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Interview Árni Þórarinsson : « Prendre son travail au sérieux plutôt que soi-même »


Interview Árni Þórarinsson

Árni Þórarinsson est un pionnier du polar nordique. Né en 1950 à Reykjavik (Islande), il a étudié la littérature comparée et la philosophie en Angleterre. Longtemps  journaliste, Árni a ensuite embrassé la carrière de scénariste avant de publier douze romans traduits dans plus d’une vingtaine de langues. « Le Temps de la sorcière » a été adapté en série et nominé à l’Icelandic Literature Prize. Dans cette interview Árni Þórarinsson nous raconte son parcours et son processus d’écriture.

Les Artisans de la Fiction : Vous avez étudié la littérature comparée en Angleterre. Est-ce que cela vous a aidé en tant qu’auteur ?

Árni Þórarinsson : Ça m’a vraiment aidé, en particulier parce que ça m’a permis de lire beaucoup de romans classiques. Vers la fin de mes études mon meilleur ami écossais m’a offert The long goodbye de Raymond Chandler. Et c’est ce livre qui m’a montré l’importance des romans policiers, ça m’a prouvé que c’était de la vraie littérature. A partir de ça je me suis mis à lire beaucoup de romans policiers. 

J’ai donc appris la technique grâce à la lecture de romans policiers et le travail de journaliste

En avez-vous analysé la structure, la façon dont ils fonctionnent ?

Tout à fait. Je voulais écrire des romans policiers pour mon propre plaisir et justifier mes études universitaires !

Quand j’ai quitté l’université j’ai travaillé comme journaliste et ça a été très formateur. J’ai appris à faire des recherches, à écrire rapidement et clairement. Et puis un journaliste rencontre tellement de gens. On peut prendre des facettes de ces gens-là pour créer des personnages, c’est très utile.
La discipline journalistique est extrêmement saine : l’idée c’est de prendre son travail au sérieux plutôt que soi-même. J’ai donc appris la technique grâce à la lecture de romans policiers et le travail de journaliste.

Avez-vous pris des cours de creative writing ?

Non. Au départ j’écrivais des petites choses, comme par accident.
Les choses ont changé à l’été 1994. Je lisais un livre de Ross Macdonald, mon auteur préféré, mais il s’est mis à pleuvoir et mon livre était tellement trempé qu’il était devenu illisible. Je m’ennuyais alors j’ai décidé d’essayer d’écrire, j’ai commencé à noter des idées pour un roman policier islandais. En 1994 en Islande, le roman policier islandais n’existait pas, il n’y avait rien de la sorte. 

Comment travaillez-vous sur vos romans ? Avez-vous vu une évolution dans votre manière de travailler depuis vos premiers romans jusqu’aux plus récents ?

J’ai appris à travailler en amont, à faire de plus en plus de recherches, à prendre beaucoup de notes avant la rédaction.

J’écris un synopsis pour chaque chapitre. J’écris aussi une description et un synopsis pour chacun des personnages : l’idée c’est de savoir quand est-ce que le personnage arrive dans l’histoire et quand est-ce qu’il la quitte. Quand je commence à rédiger, j’ai donc déjà réalisé un gros travail préparatoire, comme une carte de l’histoire que je veux raconter. Je suis cette carte même si, bien sûr, il peut m’arriver de m’en éloigner.

Il me parait impossible d’écrire un bon roman policier sans avoir réalisé un travail préparatoire, en particulier si vous n’avez aucune idée de la manière dont le roman va se terminer. L’improvisation ne fonctionne que si on a une base solide. J’ai vu trop d’auteurs qui ne savent pas du tout ce qu’ils font.

En effet, on interview parfois des auteurs français qui nous disent qu’ils ne préparent rien en avance.

Vraiment ? Ah bon. J’imagine que c’est une question de choix. Mais je pense que la préparation vous permet de travailler plus vite, d’être plus efficace à la rédaction. Je fais beaucoup de travail préparatoire mais ne vous trompez pas, je fais également un gros travail de réécriture. 

J’ai des gens proches qui lisent les premières versions et qui font des suggestions que je prends parfois en compte et parfois non. 

Quel a été l’aspect technique le plus difficile à acquérir pour vous ? Est-ce que c’est le dialogue ? La description ? La création des personnages ?

Je crois que c’est la description. J’ai des facilités dans l’écriture de dialogues. La création de personnages n’est pas non plus une entreprise trop difficile pour moi. Mais peindre un tableau d’une scène et faire passer au lecteur l’émotion que génère le paysage… je ne dis pas que c’est horriblement difficile, mais c’est ce qui m’est le moins naturel. La plupart des lieux que j’utilise dans mes romans sont des lieux qui existent vraiment.

L’improvisation ne fonctionne que si on a une base solide. J’ai vu trop d’auteurs qui ne savent pas du tout ce qu’ils font.

Ce sont des endroits que vous connaissez déjà ?

Parfois oui et parfois non. Parfois je dois me rendre dans un lieu que je ne connais pas mais que je veux visiter pour l’utiliser. Un été j’ai loué un appartement à Barcelone et je suis installé sur le balcon pour écrire en plein soleil. Le problème c’est que j’écrivais un roman qui se passait en hiver… Du coup je regardais des vidéos pour m’aider à me reconnecter émotionnellement à l’ambiance de l’hiver.

Comment créez-vous vos personnages ?

Ce sont des assemblages de plusieurs aspects de différentes personnes que je connais. Par exemple, Einar est un cocktail réalisé à partir plusieurs de mes collègues journalistes et de moi-même. Il a également des éléments inspirés par des détectives issus des romans hard boiled américains. 

Vous avez mentionné le travail de réécriture qui suit votre travail préparatoire et votre rédaction. En général, combien de réécriture réalisez-vous ?

C’est difficile à dire. Avec l’ordinateur on peut changer des éléments à l’infini. Quand j’ai commencé comme journaliste j’ai travaillé pendant plusieurs années sur des machines à écrire. C’est une excellente discipline : vous devez avoir une idée très claire de ce que vous écrivez avant même de vous mettre à écrire.  

Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même.

Et pour terminerc cette interview Árni Þórarinsson, quels seraient vos conseils à un jeune auteur ?

Mettez-vous à l’écriture ! Et persévérez jusqu’à ce que vous vous sentiez suffisamment à l’aise pour faire lire votre travail à quelqu’un d’autre. Faites lire votre travail à d’autres et soyez ouverts. Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même.

 

Interview : Lionel Tran
Traduction : Julie Fuster
Remerciements à Quais du Polar et Árni Þórarinsson pour cette interview.

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