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Craig Johnson – La complexité de l’histoire


« C’est un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoires »

 Craig Johnson, né le 1er février 1961 à Huntington dans l’État de la Virginie-Occidentale, est un écrivain américain, auteur d’une série de quinze romans policiers consacrés aux enquêtes du shérif Walt Longmire, publiées en France par les éditions Gallmeister et adaptées en série sur la chaîne Netflix.

Craig Johnson, comment travaillez-vous sur un roman ?
Ça dépend du roman. Si les idées sont prêtes, je peux m’y atteler rapidement, mais pour d’autres romans, le travail préparatoire demande beaucoup plus de travail, des recherches et du temps. Vous voyez, avec mon chapeau (il désigne son chapeau de cow-boy), je jauge les histoires un peu comme je jaugerais des chevaux. Je regarde le cheval et j’essaie de voir s’il peut tenir la distance, sur combien de pages. J’évite ainsi pas mal de problèmes en essayant de savoir quelle sorte d’histoire je tiens.

Comment savoir à quelle sorte d’histoire on a affaire ?
Ça tient à la complexité de l’histoire. Certaines histoires sont simples et d’autres, plus complexes, vont demander plus de travail. Dans un de mes livres, Another Man’s Mocassins (sous le titre Enfants de Poussière en France), l’histoire se passe en 1967 pendant la guerre du Viêt-Nam. J’ai dû effectuer beaucoup de recherches pour que le livre sonne juste. C’était incontournable, parce que si quelque chose clochait, quelqu’un qui aurait fait la guerre du Viêt-Nam ou se rappellerait de cette guerre l’aurait tout de suite vu. Dans un autre de mes livres, Hell is empty (sous le titre Les démons sont ici en France), il s’agit d’une chasse à l’homme qui se passe sous la neige.
Cela avait déjà été fait. En cherchant comment apporter quelque chose de différent, j’ai pensé qu’une analogie avec une autre histoire pouvait aider le récit. Quand je me suis demandé quelle œuvre classique importante pourrait accompagner le récit, j’ai pensé que l’Enfer de Dante pouvait convenir aux paysages désolés qui servent de cadre au récit.

Dans l’histoire, c’est l’adjoint qui dit au shériff  Walt Longuemire : “je sais que vous détestez partir quelque part sans avoir un livre, chef, tenez, prenez celui-ci”, et le shérif prend l’Enfer de Dante dans son sac à dos… Ainsi, l’expérience de marche, l’ascension du héros entre en résonance avec le voyage de Dante. Ça a demandé du travail de mettre les deux histoires en parallèle.

Comment procédez-vous pour vos recherches ?
Vous pouvez réaliser toutes sortes de recherches à partir de livres, de vidéos, ou de documentaires, mais rien n’est aussi précieux que la parole.

L’interview est le matériau de base, vous y faites des découvertes importantes. Tous les livres, toutes les vidéos, les documentaires ne vous disent rien de l’expérience sensitive. Quand vous discutez avec quelqu’un, cela vous donne une autre dimension, celle du ressenti de l’expérience humaine, et c’est justement de cela dont vous avez besoin pour écrire un roman.

Comment construisez-vous vos personnages ? Est-ce qu’ils sont à l’origine de votre roman ou est-ce qu’ils viennent après?
Dans le processus d’écriture, il s’agit la plupart du temps de combinaisons. Dans Little Bird, le premier livre de la série des Walt Longuemire, je savais que le livre se passerait dans le Wyoming. Je savais qu’il y aurait un crime et une victime. Je me suis demandé qui serait le plus affecté par le crime, et ma réponse était bien sûr le shérif.
C’était probablement pour être sûr d’en faire le personnage prédominant du livre. Mais avec le temps je me suis aperçu que mes personnages se fabriquent non pas à partir de ce que je veux faire, mais plutôt à partir de ce que je ne veux pas.
Quand vous travaillez sur du genre, western, polar, la question à se poser c’est : qu’est-ce qui a déjà été fait avant ? Et comment je peux faire autrement ?

Le sens de l’humour est une arme secrète importante de Walt Longuemire. J’ai donc fait Walt différemment. Alors que dans la plupart des westerns les personnages sont séduisants, extraordinairement compétents et plein de sang-froid, j’ai voulu un protagoniste qui ressemble plus à vous et à moi. Je lui ai néanmoins donné quelques particularités, des armes secrètes. Le sens de l’humour, par exemple, est une arme secrète importante de Walt Longuemire. En général dans les fictions criminelles, les personnages n’ont pas d’humour du tout. Une autre caractéristique de Walt c’est qu’il est un grand lecteur. Il lit tout et il se souvient de tout. Cela aussi lui donne un avantage.

Comment avez-vous appris à raconter des histoires?
(Rire) J’y travaille toujours ! Vous savez, ça n’est jamais acquis une bonne fois pour toutes. C’est toujours un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoires. Vous vous levez le matin avec l’envie d’être un meilleur écrivain que la veille. Vous écrivez le chapitre d’après, vous voulez qu’il soit meilleur que le précédent. Vous écrivez un nouveau livre, vous voulez qu’il soit meilleur que celui d’avant.

Je prends l’insatisfaction artistique comme une qualité. Quoi que vous fassiez, ne soyez jamais pleinement satisfait. Si vous commencez à être satisfait de ce que vous faites, vous êtes fichu, parce que vous n’essayez pas, vous ne vous lancez pas de défi. Le défi est quelque chose d’important, c’est valable pour tout ce que j’écris. C’est au centre du processus de création.

Une autre chose aussi est importante, en particulier quand vous faites des séries. Vos personnages prennent de l’ampleur, ils changent. Vous n’êtes pas le même qu’il y a dix ans, je ne suis pas le même qu’il y a vingt ans. C’est  important de permettre aux personnages d’évoluer, de changer et de prendre de l’ampleur.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune écrivain?
Il y en a tellement… Peut-être que le plus important c’est celui-ci : fiez-vous à votre cœur. Il faut ressentir la passion pour l’acte d’écrire.
Ne cherchez pas une formule, ne cherchez pas quelque chose qui pourrait se vendre, parce que vous allez vous torturer avec ce genre de considérations.
Ça vient de l’intérieur. Il vous faut croire en quelque chose, et si vous arrivez à trouver ça, alors vous allez faire l’expérience du plaisir d’écrire. Si vous faites ça comme il faut, avec justesse, avec passion, avec cette énergie qui vous motive pour écrire, alors cela devient comme respirer, manger, boire un verre de vin, c’est un plaisir dans votre vie, ce n’est plus un travail.

 

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Craig Johnson aux éditions Gallmeister
Remerciements : Laura Combet
Interview : Lionel Tran
Traduction : Jean Nicolas Monier

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