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La structure du roman – Assises Internationales du Roman


Quand on se lance dans l’écriture d’un roman, faut-il faire un plan ? Doit-on tout connaitre à l’avance du début jusqu’à la fin ? La structure d’un roman c’est la colonne vertébrale de l’histoire. Il s’agit de choisir les grandes étapes, gérer les moments d’action et les moments de repos… pour mieux capter l’attention de votre lecteur.

structure roman

Ce n’est pas un hasard si J.D Salinger a mis deux ans et demi à écrire L’attrape-cœur
, s’il a fallu six ans à J.K Rowling pour le seul tome Harry Potter à l’école des sorciers ou si seize ans ont été nécessaires à J.R Tolkien pour rédiger Le Seigneur des Anneaux.

Même avec de l’expérience, l’écriture d’un roman est une entreprise de longue haleine : il ne s’agit pas seulement de créer une histoire intéressante et originale… mais aussi de savoir la raconter. C’est-à-dire gérer les informations délivrées au lecteur (et les émotions quelles vont générer !), gérer le rythme du récit, l’arrivée des personnages et leurs trajectoires physiques, mentales et émotionnelles tout au long de l’histoire… Et tout ça ne se fait pas au hasard !

Alors pour éviter de partir dans tous les sens et surtout pour maîtriser l’effet de son récit sur son lecteur, il existe un moyen plébiscité par de nombreux auteurs de fiction : structurer minutieusement son roman en amont de la rédaction. Mais qu’est-ce qu’on structure au juste ? Et jusqu’à quel niveau de détail ? La structure n’est-elle pas quelque chose d’instinctif quand on connait bien l’histoire qu’on veut raconter ?

Les auteurs des AIR expliquent comment ils structurent leurs romans.

1 – faut-il faire confiance à son instinct ?

Bien entendu tous les auteurs de fiction n’ont pas suivi des cours de creative writing ou lu des manuels de creative writing… Et tous ne pré-écrivent pas leur romans en amont. Faut-il en conclure qu’il y a quelque chose d’instinctif chez eux ? Un sens inné de la structuration du récit ?

L’immense romancier anglais Jonathan Coe n’a pas suivi de cours de creative writing, pourtant il témoigne s’être auto-formé à la structure de roman dès l’enfance… en regardant la télé !

Jonathan Coe : J’ai commencé à regarder des films. Pas tant au cinéma qu’à la télé, car dans les années 60 et 70, la télévision britannique passait beaucoup de vieux films. J’ai découvert comme ça la narration hollywoodienne classique où l’arc narratif et la structure en 3 actes sont très clairs. Et ce n’est pas avant d’avoir 16 ou 17 ans que j’ai commencé à lire des livres sérieux, mais je pense qu’auparavant, j’avais déjà appris les règles fondamentales de la narration, notamment à travers la télévision.

Pour l’auteur américain Matthew Neill Null, le sens de la structure peut être quelque chose d’assez naturel chez certains auteurs, mais cela ne les prive pas d’une réflexion sérieuse sur la façon de délivrer son histoire au lecteur :

Matthew Neill Null : L’écrivain doit penser au lecteur et lui donner le meilleur de son matériau. Je crois que la fiction fonctionne à son maximum lorsqu’on cible les moments les plus intéressants pour le lecteur. C’est évident, personne ne veut s’ennuyer en lisant.

2 – structurer un roman : comment faire ?

Mais alors, comment faire ? Comment fait-on pour structurer son roman ? A quoi doit-on penser ?

La romancière américaine et professeur de creative writing Cynthia Bond revient sur la façon dont elle a structuré Ruby, son premier roman sur lequel elle a travaillé plus de quinze ans.

Cynthia Bond : Au début du travail sur mon roman, je n’avais pas de plan. J’avais des scènes que j’avais écrites pendant un atelier d’écriture sans me rendre compte que j’écrivais un roman. Donc au bout de cent pages je me suis rendue compte que j’avais besoin de faire un plan. Je suis donc revenue en arrière, depuis le début, et j’ai refait un plan pour ce que j’avais déjà écrit et pour la suite.

Cynthia Bond n’a pas fait de master de creative writing à l’université, mais elle suivi des cours d’écriture dans une école de journalisme où des auteurs de fiction enseignaient… C’est grâce à l’un d’entre eux qu’elle a découvert les bases de la structure.

Cynthia Bond : J’ai eu un excellent professeur, John Rechy, auteur du roman City of Night. C’est lui qui m’a appris à structurer un roman. Je pensais que c’était très difficile, mais il m’a appris qu’il s’agissait simplement de lister les actions. A partir de ça, j’ai complexifié le processus.  J’ai tendu des grande surface de papier kraft sur tous les murs de la maison de ma mère, et j’ai dessiné des grands schémas dessus J’ai divisé l’action principale c’est à dire l’intrigue du roman. Puis j’ai développé la trajectoire de chaque personnage, également sous forme de schéma. J’ai fait des versions simples puis des versions de plus en plus complètes.

« La manipulation du temps est un savoir-faire essentiel »

Pour Matthew Neill Null, il s’agit moins de structurer des actions, mais plutôt de travailler sur la temporalité : qu’est-ce qui se passe quand et avant quoi ?

Matthew Neill Null : En termes de structure, je crois que la manipulation du temps est un savoir-faire essentiel. Pulsations, prolepsis, flash-back, les outils sont nombreux. Une grande part de l’écriture consiste à sélectionner les éléments à présenter au lecteur (images, dialogues, scènes…) mais aussi à décider de leur ordre. Pour ma part, penser structure revient à penser aux différents usages du temps.

Le contenu du “plan” d’une histoire est donc variable selon les auteurs : action, temporalité, arc transformationnel, actes ou scènes… Car les auteurs ne racontent pas tous la même histoire et encore moins de la même manière !

3 – tout structurer avant de rédiger son roman ?

Mais alors, une fois que la structure de son roman a été pensée et repensée… cela veut-il dire qu’on doit suivre son plan à la lettre ? Ne jamais en sortir ? Ne pas suivre le flot des idées qui apparaissent au moment de la rédaction ?

Cynthia Bond : Je pense que lorsqu’on écrit un roman on a besoin d’un plan, comme une carte de géographie. On peut vouloir, par exemple, se rendre en voiture au Texas et remarquer sur la carte que le trajet nous fait passer par l’Oklahoma. Et il se peut que, du coup, on passe par l’Oklahoma et qu’on y reste pour y vivre, sans jamais se rendre au Texas ! … Sans la carte, on n’aurait jamais su que l’Oklahoma existait… C’est à ça que sert le plan.

Le travail de structuration en amont de la rédaction est un outil très utile pour accompagner l’auteur dans la création de son histoire. Mais c’est un outil souple, évolutif, sur lequel on peut revenir et revenir encore et le modifier au moment de la rédaction – comme tous les outils, il est au service de l’histoire !

« La profondeur du livre vient du fait qu’on y passe du temps »

L’autrice Dana Spiotta, qui enseigne la narration au College of Arts and Science de de Syracuse, explique qu’il faut accepter que l’accouchement d’une bonne histoire demande beaucoup de temps. Vous ne trouverez pas la meilleure structure pour votre histoire en une après-midi ! Et surtout pas du premier coup !

Dana Spiotta : La profondeur du livre vient du fait qu’on y travaille longtemps. Et c’est un point important de l’écriture de roman. Si vous êtes régulier, que vous passez du temps avec votre nouvelle un peu chaque jour, vous finissiez par être habité par votre histoire, par en rêver, par y penser lorsque vous faites votre jogging. Et des connexions profondes peuvent se faire et vous finissez par avoir des idées bien plus intéressantes que si vous travaillez juste en surface. C’est un travail plus subconscient que conscient. Et pour que ça arrive, il faut accepter que ça prenne énormément de temps. Il faut vraiment s’y mettre sur la longue durée, c’est de la rigueur.

Macrostructure et microstructure

Certains auteurs ne se contentent pas uniquement de penser la dynamique de leurs récits dans les grandes lignes et n’hésitent pas à structurer chacune des scènes qui composent leur histoires. La macro-structure de leur roman est le reflet de la micro-structure de la scène.

Matthew Neill Null  : J’ai reçu d’un autre écrivain cet excellent conseil : une bonne scène c’est comme une fête.Quand vous allez à une fête, vous voulez arriver le plus tard et de partir le tôt possible, n’est-ce pas ? Vous voulez profiter du meilleur de la fête. Vous ne voulez pas vous pointer à 8 heures et vous dire « mince, ceux qui devaient arriver plus tard sont déjà là et ça va être chiant », ou bien vous dire pendant la soirée « vivement que celui-ci finisse son verre et se barre… » Non. Ce que vous désirez, c’est arriver à la fête et vivre immédiatement le moment le plus intéressant et le plus excitant.

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur la structure du roman et de la scène nous vous conseillons la lecture de “Structuring your novel”, l’excellent manuel de KM Weiland (même s’il existe de nombreux autres très bons manuels qui traitent de ce sujet).

Mais parfois, lire un livre de technique ne suffit pas pour comprendre, et vous avez besoin d’un formateur pour vous montrer comment faire concrètement.
Les stages “Préparer et construire un roman” et “Les outils de la narration littéraire” abordent avec précision la question de la structure du roman et de la scène. Nous serons ravis de vous y accueillir.

assises internationales du roman virtuelles 2020

Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Cynthia Bond, Dana Spiotta, Matthew Neill Null et Jonathan Coe

Cet article est publié dans le cadre de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020

 

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