Adresse : 10 rue du chariot d’or, 69004 Lyon
Mail : contact@artisansdelafiction.com
Tél. : 04.78.29.82.07

 

Permanences téléphoniques et accueil :
les mercredis de 14h à 18h (hors vacances scolaires)

Nous suivre sur les réseaux
S’inscrire à notre newsletter

Muscler ses phrases : l’artisanat invisible de l’écriture


Arrêtez de caresser vos phrases dans le sens du poil : elles ne sont pas là pour décorer vos idées, mais pour les frapper à coups de marteau. La mollesse syntaxique tue vos histoires. La phrase musclée, elle, électrise le lecteur.


La faiblesse d’un manuscrit ne tient pas seulement à ses personnages plats ou à ses intrigues mal ficelées. La mollesse se niche dans les phrases. Trop longues, trop vagues, trop décorées, elles s’effondrent comme des échafaudages branlants. Or, la littérature ne pardonne pas les phrases faibles. Muscler ses phrases, c’est choisir la clarté contre l’ornement, la précision contre la mollesse, l’énergie contre la paresse.

1. Le poids des phrases : écrire, c’est frapper

John Langan, maître contemporain de l’horreur, l’affirme :
« En tant qu’écrivain, vous avez une boîte à outils immense : comparaisons, métaphores, allusions… Vous devez absolument les utiliser. »

Langan nous rappelle que la phrase n’est pas une unité passive. Elle est une arme. Elle peut surprendre, frapper, faire rire ou terrifier. La mollesse syntaxique, elle, ne fait qu’endormir.

C’est pourquoi Stephen King, dans Écriture, mémoire d’un métier, cite comme livre de chevet The Elements of Style de Strunk & White :
« Supprimez les mots inutiles. »

La phrase musclée n’est pas décorative : elle est tendue, vivante, tendue vers l’effet.

2. Antoine Albalat : l’artisan du style

Dès 1899, Antoine Albalat (critique et pédagogue français, auteur de L’art d’écrire) posait les bases d’un style fort et précis. Sa leçon n’a pas vieilli d’un iota :

« Il faut nettoyer son style, le cribler, le passer au tamis, lui ôter la paille, le clarifier, le durcir, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de scories dans le métal. »

Albalat exige la concision, l’originalité et l’harmonie. Pour lui, la phrase est une forge : trop de scories et elle casse ; trop de mollesse et elle se dilue.

Sa sévérité est un modèle : « On emploie trop de mots, on rôde autour de l’idée… Il faudrait brutalement dégager ce qu’on veut dire et secouer la terre qui adhère aux racines de la plante. »

3. Les règles de la phrase forte

D’après la fiche pédagogique et nos trois maîtres (Langan, King, Albalat), muscler ses phrases repose sur quelques principes clairs :

  • Soyez spécifique : dites colt plutôt qu’arme à feu, bungalow plutôt que maison. Les noms concrets frappent plus fort que les abstractions.
  • Privilégiez les verbes actifs : il se leva est plus vif que il était sur sa chaise. Chaque « être » est une pause, chaque passif une faiblesse.
  • Chassez le superflu : Albalat le martèle, King le répète : la concision est l’arme du style.
  • Variez la cadence : trop de phrases longues lassent ; trop de phrases courtes fatiguent. Une bonne page respire comme une musique.
  • Travaillez la réécriture : « Écrire, c’est réécrire », rappelait Thomas, ancien élève des Artisans de la Fiction. Une phrase définitive est rarement un premier jet.

4. La phrase comme expérience sensorielle

La phrase doit faire voir, entendre, sentir. Comme le dit Langan, l’horreur ne tient pas seulement au monstre, mais à la réaction sensorielle qu’il provoque :

« Le véritable enjeu est dans les réactions des personnages : l’odeur, le son, le contact. »

Leçon pratique : n’écrivez pas « elle était triste », mais « ses doigts froissaient la nappe, ses lèvres tremblaient comme si elles mâchaient un mot impossible ».

5. La discipline du style : un combat joyeux

Écrire des phrases fortes n’est pas un don. C’est un travail, un artisanat. Albalat l’affirme avec férocité :
« Il faut toujours retrancher, toujours élaguer, nettoyer son style… Quand vous pensez avoir écrit un morceau définitif, reprenez-le, recorrigez-le. »

Langan, plus optimiste, y voit un terrain de jeu : la phrase comme laboratoire, un espace où tester tropes, points de vue, rythmes narratifs. Et King, pragmatique, le réduit à une règle d’or : coupez, encore et toujours.

Au croisement de ces approches, se dessine une évidence : muscler ses phrases, c’est refuser la complaisance.
Conclusion

Une phrase n’est pas une décoration. Elle est l’unité minimale de l’expérience littéraire. La muscler, c’est offrir au lecteur non pas un commentaire du monde, mais une secousse.

Alors, au lieu de « elle était grande», osez, comme le fait George Simenon : «Elle s’était toujours habillée trop court, tout le monde le lui disait, mais elle continuait sans savoir pourquoi, et cela la faisait paraître encore plus grande.»

Clarté. Précision. Concision. La phrase, une après l’autre, devient un style. Et ce style, un monde.

Aller à la barre d’outils