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Éviter d’emmerder le lecteur – Frédéric Paulin


Écrire, ce n’est pas se regarder écrire. C’est captiver, tailler, réécrire, jusqu’à ce que chaque phrase arrache une étincelle. Frédéric Paulin le dit sans détour : « L’auteur a tous les droits, sauf celui d’emmerder le lecteur. » Si vous l’oubliez, votre manuscrit est mort-né.


« Ne pas emmerder le lecteur ».
Voilà sans doute le plus grand commandement de la narration contemporaine, et Frédéric Paulin l’énonce avec la simplicité des évidences gagnées à la sueur des nuits blanches.

Mais ce mot d’ordre n’est pas un slogan de marketing littéraire. Il est l’exact contraire de la complaisance. Ne pas emmerder, ce n’est pas divertir. C’est captiver. C’est provoquer une tension dans chaque ligne. Et surtout, c’est respecter le temps et l’intelligence du lecteur.

L’auteur a tous les droits — sauf celui d’ennuyer

Frédéric Paulin est direct :
« L’auteur a tous les droits, sauf celui d’emmerder le lecteur. »

Loin d’un dogme esthétique, cette phrase est une boussole éthique. Ce qu’il défend ici, c’est la responsabilité de l’écrivain : celle de ne jamais prendre le lecteur de haut, de ne pas lui refourguer du pensum habillé de “grande littérature”, ni de l’action creuse déguisée en roman noir.

Ne pas emmerder, cela veut dire relire. Réécrire. Lire à voix haute. Se faire relire par des regards neufs. Paulin insiste :

« La relecture par différentes personnes, ça sert aussi à ça : éviter de tomber dans les poncifs, et de prendre le lecteur pour un con. »

Écrire, c’est chercher

Chaque roman de Paulin naît d’un trouble ancien. Une question qui le hante depuis l’enfance ou la jeunesse. Ce n’est pas une lubie thématique : c’est une quête.

« J’écris pour répondre à ce jeune adulte ou à cet enfant que j’étais. »

Le roman devient alors un champ d’enquête. Pas seulement documentaire – même si Paulin accumule jusqu’à 1,7 million de signes pour préparer ses livres –, mais surtout intellectuelle, sensible, politique.

Il s’agit de comprendre. De transmettre. De dire ce qui, sinon, reste tu.

Réécrire, c’est honorer le récit

Comme beaucoup, Paulin a commencé par croire au « feu sacré » du premier jet. Aujourd’hui, il sait que ce mythe est un piège d’ego.

« La réécriture est une partie importante de l’écriture. […] L’éditeur est aussi un lecteur autre, qui en a une idée différente que celle que je pense lui transmettre. »

C’est précisément là que l’art commence : dans cette distance entre l’intention et la réception. La réécriture est la zone où se joue la clarté, la force, la netteté du propos.

Ne pas emmerder, c’est prendre le temps de se demander : est-ce que ce que j’écris touche ? Est-ce que ça pousse le récit plus loin, ou est-ce un luxe d’auteur ?

Raconter, c’est résister

Frédéric Paulin écrit du roman noir, historique et politique. Ses sujets sont graves, mais son ton reste limpide. Parce qu’il écrit pour comprendre, et faire comprendre.

« Une histoire, c’est prendre du plaisir, mais aussi questionner un moment présent ou passé. »

Il ne s’agit pas de faire la leçon. Il s’agit d’ouvrir les yeux. Dans une époque saturée de bruit, Paulin nous rappelle que les écrivains doivent continuer à raconter ce que l’histoire officielle tait : les causes profondes, les voix oubliées, les trames inavouées.

« L’histoire avec un grand H est écrite par le vainqueur – qui n’a pas forcément raison. »

L’IA ? Pas le vrai danger

Sur l’intelligence artificielle, Paulin est lucide. Il sait qu’elle progresse. Il l’a testée. Il reconnaît même qu’elle peut produire un plan ou un synopsis cohérent. Mais il identifie ce qui lui manque : l’irréductible complexité humaine.

« Moi, je sais qu’un chiite va difficilement pouvoir se marier avec une maronite pendant la guerre du Liban. L’IA ne l’avait pas remarqué. »

Là encore, c’est une question de précision, de chair, de vécu. L’IA peut générer du texte, mais pas d’angle. Pas de tension dramatique. Pas de rythme organique. Pas d’ambiguïté. Bref : pas d’écriture.

Le vrai danger n’est pas l’IA, mais ceux qui l’utiliseront pour tuer l’exigence.

Le lecteur est un partenaire

Respecter le lecteur, ce n’est pas lui plaire à tout prix. C’est lui donner de la matière. De la pensée. Du trouble. Du style. C’est se demander, phrase après phrase : est-ce que je le mène quelque part ? Est-ce que je le tiens ? Est-ce que je l’éveille ?

Et surtout : est-ce que je m’emmerde moi-même à écrire cette scène ? Car si c’est le cas, il y a fort à parier que lui aussi s’emmerde à la lire.

Alors relis. Taille. Réorchestre. Prends le lecteur au sérieux.

Et n’oublie jamais que la seule règle valable, c’est de raconter une histoire qui mérite d’être racontée.

Si vous désirez vous former à la narration littéraire, nous vous recommandons les formations suivantes :

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