Un manuscrit, ce n’est pas un élan d’ego. C’est une proposition adressée à autrui. Si vous ne savez pas à qui vous parlez, ni pourquoi vous écrivez, alors vous ne serez pas lu·e. Manon Viard, éditrice au scalpel, nous rappelle pourquoi la littérature n’est pas un loisir, mais un engagement.
« Quand un manuscrit sort du lot, c’est un bonheur inouï. »
Ce n’est pas un slogan. C’est la voix franche de Manon Viard, éditrice à L’Aube noire, une collection qui s’est hissée discrètement mais sûrement parmi les refuges les plus sûrs de la littérature sociale contemporaine. Dans cette interview exclusive, elle décortique avec rigueur (et sans faux-semblant) le travail éditorial, les lettres d’accompagnement, les illusions du jeune auteur et la puissance indémodable des récits.
1. Le manuscrit est une promesse…qu’il faut tenir.
Avant de parler style, il faut parler cadre. Et ce cadre commence… par une lettre. Pour Manon Viard, la lettre d’accompagnement est un indice redoutable : elle révèle, dès les premiers mots, la lucidité, l’intelligence et le positionnement de l’auteur.
« La lettre qui accompagne le manuscrit est extrêmement importante. Elle donne le ton, elle laisse entrevoir la personnalité, la voix. »
Envoyer un manuscrit hors ligne éditoriale, ou l’assortir d’une lettre arrogante, c’est comme débarquer à un entretien d’embauche en pyjama. Il n’y aura pas de deuxième chance.
2. Les défauts qui tuent une lecture
Si vous envoyez un texte mal écrit, convenu ou autocentré, inutile d’espérer. Ce n’est pas une question de snobisme, mais d’exigence. L’Aube refuse les textes qui ne sont « pas écrits », ceux qui recyclent des thèmes dans une « coquille vide » ou qui s’effondrent sous l’accumulation artificielle de sujets dans l’air du temps (féminisme, écologie, inceste…) sans cohérence ni point de vue.
« Il y a des manuscrits qui veulent tout dire, mais ne racontent rien. »
3. L’éditrice n’est pas une co-auteure, mais une partenaire
Oui, les textes sont retravaillés. Mais pas à n’importe quel prix. L’éditrice entre dans le processus de création « en confiance », dans une relation ajustée, respectueuse, sans jamais écraser l’auteur.
« Certains ont besoin de retours très détaillés, d’autres presque pas. Chaque texte demande un type d’accompagnement spécifique. »
L’édition est une co-construction souple, fondée sur l’écoute, pas une chirurgie autoritaire.
4. Le polar social, ou la littérature de l’avenir
C’est l’un des passages les plus passionnés de notre entretien. Pour Manon Viard, le polar social est le genre le plus complet, le plus capable de combiner profondeur politique, création littéraire, et accessibilité pour le lecteur.
« Tous les ingrédients sont réunis : personnages forts, intrigue, liberté de ton, et puissance critique. »
Un polar social bien écrit, c’est un prisme : on voit le monde autrement. On comprend mieux. On respire mieux.
5. Une vision lucide et optimiste du métier
Non, l’édition n’est pas condamnée par l’IA. Et non, les tropes ne sont pas le mal.
« Je crois que par définition, on aura toujours plus foi dans ce qu’un humain imagine. »
Ce qui compte, c’est la voix. La singularité. La capacité à toucher. Pas l’innovation technologique, pas la perfection formelle.
6. Pour les jeunes auteur·es : trouver sa voix, pas sa pose
Le conseil de Manon Viard est aussi simple que redoutable : arrêtez d’imiter. Travaillez votre voix. Et sachez à qui vous vous adressez.
« C’est dur, parce qu’on est toujours inspiré par ce qu’on lit. Mais c’est là que se fait la différence. »
Ce n’est pas l’originalité qui est attendue. C’est la justesse. La vérité intérieure. Et votre lettre, encore une fois, ne vend pas un style, mais une démarche.
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