Arrêtez de croire qu’un bon roman commence par un plan détaillé. Kim Fu prouve qu’on peut plonger dans le chaos, sculpter dans le brouillon, et produire des chefs-d’œuvre. Le roman n’est pas une cathédrale : c’est une sculpture mouvante, charnelle, bricolée. Et c’est ce qui la rend vivante.
« Je suis comme une peintre qui jette de la couleur sur la toile pour voir ce que ça donne. »
L’image est simple, brutale, efficace. Et totalement à rebours du mythe du romancier architecte, minutieux, maître de ses plans. Pour Kim Fu, écrire un roman, c’est d’abord jouer. C’est accepter le désordre initial. C’est sculpter dans le chaos.

Le premier jet est informe — et c’est une bonne nouvelle
Kim Fu commence ses romans dans un chantier. Pas de plan, pas de structure, pas de ligne droite.
« Mes premiers jets sont extrêmement brouillons. J’écris des phrases, des images, des dialogues sans fin, qui n’ont parfois rien d’un texte reconnaissable. »
Ce processus, proche du freewriting, lui permet de tester des voix, de faire parler les personnages, de les écouter se révéler. Puis, une image s’impose, une scène résiste, une émotion s’incarne. À partir de là, l’histoire se fraie un chemin.
Kim Fu ne rédige pas un roman, elle le sculpte.

Le roman comme matière vivante
La romancière canadienne travaille par couches successives. Elle écrit, revient, coupe, réécrit, recolle. Puis, dans un second temps, elle fabrique des documents parallèles : chronologies, lignes de temps, structures rétroactives, pour donner de la solidité à ce qui a jailli de manière intuitive.
« Je réécris énormément. Et parfois, je construis le plan après coup, une fois que la matière existe. »
C’est une méthode qui demande de l’endurance. Mais aussi une grande tolérance au doute. Et beaucoup de joie. Car pour Kim Fu, tout repose sur le plaisir d’inventer, de chercher, de tâtonner.

Écrire, c’est jouer — sérieusement
L’écriture n’est pas pour elle une mécanique froide ni une performance de productivité.
« Je garde une part de jeu. Si je suis trop structurée dès le départ, la magie meurt. »
Et cette magie, elle la cherche aussi dans les zones hybrides du récit : entre réalisme et fantastique, entre littérature dite “sérieuse” et formes populaires comme la science-fiction, le polar, l’horreur. Ce sont dans les frictions que naissent les récits les plus puissants.
Elle cite Karen Russell, George Saunders ou Ted Chiang comme influences. Des auteurs qui jouent avec les genres comme on joue avec le feu, mais sans renier le style.

Une vision claire du point de vue
Si Kim Fu laisse beaucoup de place à l’intuition dans la construction globale, elle est extrêmement précise sur le point de vue.
« Le point de vue, c’est ce qui rend l’écriture possible. Il transforme un monde infini en expérience humaine. »
Choisir un point de vue, c’est choisir une focale, une limite, un filtre. C’est aussi un acte politique : que voit ce personnage ? que ne voit-il pas ?

Le roman comme lieu de connexion humaine
Kim Fu n’écrit pas pour plaire à un algorithme. Elle écrit pour relier.
« Je n’ai aucun intérêt pour l’intelligence artificielle générative. Pour moi, l’écriture est une forme de connexion humaine. C’est ce que je cherche dans les livres : la rencontre avec une autre conscience. »
Elle refuse le cynisme et le calcul. Elle croit à la lecture comme expérience empathique, comme un échange sensoriel, affectif, intellectuel. Écrire, pour elle, c’est créer cette interface invisible entre deux êtres humains : le lecteur et l’auteur.

Ce que Kim Fu nous apprend
Kim Fu ne vend pas une méthode miracle. Elle incarne une autre manière d’aborder l’écriture : moins linéaire, moins planifiée, mais tout aussi exigeante. Elle nous rappelle qu’un roman est un organisme vivant, qui se découvre autant qu’il se construit. Et que sculpter un roman, c’est accepter l’informe, pour mieux chercher la forme qui fera sens.
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