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Elizabeth Scrooge : la misanthrope qui détestait Noël


Comme toutes les bonnes histoires, « Un chant de noël » de Charles Dickens n’a cessé d’être adapté. Découvrez une variation inédite !


Quel meilleur mois que le mois de décembre pour faire une chronique sur une histoire de Noël ? Nous sommes tous dans l’ambiance, avec les téléfilms (disponibles depuis mi-octobre, quel sacrilège) et l’odeur du vin chaud qui embaume les marchés de Noël alsaciens (meilleure région pour vivre Noël, vraiment). Et beaucoup vont en profiter pour lire des histoires de saison, et notamment celle qu’on ne présente plus (mais je vais le faire quand même) : “Un chant de Noël” de Charles Dickens.

Classique de la littérature éditée pour la première fois en 1843, cette histoire a traversé les siècles et connu de nombreuses adaptations aussi bien en film, en pièce de théâtre, qu’en ballet. Son personnage principal apparaît même dans un jeu vidéo lors d’un événement de Noël. Il n’y a pas à dire, on ne peut pas oublier Ebenezer Scrooge. Et en 2022, une nouvelle adaptation parue chez Dargaud a particulièrement attiré mon attention : celle de José-Luis Munuera.

Puisqu’il s’agit d’une chronique sur une bande dessinée et que je n’ai pas tous les outils pour en faire une analyse poussée sur sa structure particulière, je vais me concentrer sur les extraits du texte original ainsi que sur l’arc transformationnel du personnage principal qui est modifié par un seul “petit” détail dans cette réécriture…

La structure ? Notre narrateur omniscient toujours présent !

Même si dans cette bande dessinée, les premiers mots sont prononcés par Scrooge dans une scène qui témoigne de sa misanthropie, le narrateur omniscient revient très vite pour affirmer que “Marley était mort […] sans l’ombre d’un doute”. Il se fera un peu moins présent que dans le texte original évidemment, puisque le format de la bande dessinée permet de mettre en scène graphiquement l’histoire, mais il nous accompagne toujours pour appuyer les décisions de Scrooge ou nous exposer sa manière de penser. Il reviendra même à la fin pour débattre de la résolution de cette version…

On retrouve le découpage en cinq couplets : le premier “Le spectre de Marley”, ou comment l’élément perturbateur va venir annoncer la venue des trois esprits de Noël ; les couplets des trois fameux esprits ; et le dernier couplet pour la résolution. Tous ces couplets sont là pour nous montrer l’arc de Scrooge, nous montrer son passé pour mieux comprendre son caractère d’aujourd’hui.

Mais si la structure est la même, peut-être que l’élément de changement vient de Scrooge lui-même ?

Ebenezer Scrooge : vieux misanthrope qui déteste Noël.

Comme indiqué plus tôt, il est difficile d’oublier Scrooge quand on a vu ou lu au moins une fois son histoire : un vieil homme aigri et égoïste, qui ne comprend pas l’engouement général pour cette fête d’hypocrite qu’est Noël. Il recevra cependant la visite, le 24 au soir, de son vieil ami Marley, mort depuis longtemps mais tourmenté dans l’au-delà par ses actions passées, lui annonçant la venue de trois esprits de Noël pour sauver ce qu’il reste de son humanité, si elle existe encore. Au fil de la nuit où il verra son passé, son présent et son futur, Scrooge va comprendre toute la bienveillance de Noël et qu’il peut encore changer pour faire le bien autour de lui et ainsi lui éviter le sort de son ami.

C’est un arc transformationnel spectaculaire qui se dessine dans l’histoire originale : un vieux ronchon qui devient en une nuit (qui en paraissent trois pour lui) un homme généreux. C’est pour ça que cette histoire est si impactante et qu’elle a su toucher des générations de lecteurs et de lectrices : Scrooge n’est plus du tout le même à la fin, on le voit presque retrouver une deuxième jeunesse à le voir sauter comme un enfant dans les rues de Londres.

Et si on changeait son genre et son âge, ça donnerait quoi ? C’est le pari qu’à voulu prendre José-Luis Munuera.

Elizabeth Scrooge : sorcière du XIXe siècle.

On retrouve la base et les mêmes failles qu’Ebenezer : Elizabeth est carriériste, égoïste, qui déteste Noël et qui le fait bien payer à son employé Bob Cratchit. Même la visite de sa nièce Frédérique (un autre changement de genre) n’arrive pas à faire changer sa tante d’avis : ces festivités ne sont que des sornettes ! Et elle aussi va avoir la visite de Marley, elle aussi a été éprouvée par la perte de son frère (une soeur dans le conte original), elle aussi a subit les violences d’un père colérique, cette fois parce qu’elle est une femme et qu’elle se doit d’être une bonne maîtresse de maison. Nous retrouvons ainsi la même matrice et les mêmes pensées limitantes que le Scrooge original, sauf que son changement de genre va avoir une grosse répercussion sur son évolution.

Je ne rentrerai évidemment pas dans les détails pour vous inviter à les découvrir par vous-même, mais sachez que cet arc transformationnel est beaucoup plus subtil car Elizabeth Scrooge est bien plus téméraire que l’original…

Cette subtilité passe aussi par les répliques de Scrooge : Ebenezer s’adoucit au fil de ses aventures et prend une voix beaucoup plus douce, alors qu’Elizabeth garde sa verve et son ton tout au long de l’histoire.

Même si on retrouve la critique de la société et de l’inhumanité que peuvent avoir les patrons avares et avides d’argent, cette version prend aussi un tournant féministe avec un dialogue inédit entre Elizabeth Scrooge et Madame Cratchit. Toutes deux ont choisi leur rôle entre celui de “sainte” ou de “sorcière”, mais elles ont tout intérêt de s’entraider plutôt que de se battre.

Comme quoi, un simple changement de genre peut impliquer énormément de changements dans une histoire que tout le monde connaît. Et il est possible de faire encore d’autres variations de ce conte culte, pour le rendre encore plus universel et actuel.

En tout cas ce fut une très belle découverte et ce fut très chouette de lire les deux versions en parallèle, je vous invite à faire de même ! Mais avant tout, je vous souhaite de très belles fêtes, un Joyeux Noël et d’ores et déjà une très bonne année 2023 !

Aline-Marie Pichet est libraire à


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