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Le Zeitgeist, outil ou piège ?


Vouloir cerner le Zeitgeist« L’esprit du temps », coller à l’époque, c’est souvent signer l’obsolescence de son histoire avant même publication. Le Zeitgeist n’est pas un GPS narratif, c’est un piège à auteurs en quête de buzz. Ce qu’il faut ? Le comprendre pour mieux le chevaucher.

1. Zeitgeist : le mot qui flatte les paresseux

C’est un mot qui sonne intelligent. Zeitgeist. L’« esprit du temps ». Les éditeurs l’adorent. Les marketeux l’adorent. Les auteurs le prononcent à voix basse comme s’ils entraient en religion.

Mais voilà : le Zeitgeist n’est ni une révélation ni une nécessité. C’est un outil. Et comme tout outil, il peut servir — ou vous mutiler.

Définissons : le Zeitgeist, terme emprunté à la philosophie allemande du XIXe siècle, désigne l’ensemble des idées, valeurs, émotions, peurs et aspirations qui traversent une époque donnée. C’est ce qui fait qu’un roman sur le divorce explose en 1975, qu’une série sur le burn-out cartonne en 2022, et qu’un film sur un dictateur peut être encensé ou censuré selon la date de sortie.

Mais attention : écrire « dans l’air du temps » ne garantit rien. Pire : cela peut rendre vos textes aussi éphémères qu’un tweet bien vu.

2. Le Zeitgeist, ce faux ami du scénariste ambitieux

Le premier piège, c’est la surinterprétation.

Vous avez une idée. Quelqu’un vous dit : « Ah ! C’est très dans l’air du temps. » Vous vous sentez validé. Vous pensez que le Zeitgeist va vous porter comme une vague.

Erreur. Le Zeitgeist n’est pas une vague. C’est une mousse instable, changeante, insaisissable.

Un exemple ? Les dystopies young adult. Portées par Hunger Games (2008) et Divergente (2011), elles ont rempli les librairies pendant une décennie. Puis, vers 2018, plus rien. Effondrement. Pourquoi ? Parce que le Zeitgeist avait tourné. Parce qu’écrire sur des ados rebelles dans une société fasciste était devenu une routine formelle, non une tension réelle.

Comme le dit McKee :

« Ce n’est pas l’époque qui rend une histoire forte. C’est ce qu’elle ose dire à l’époque. »

3. Le Zeitgeist comme tremplin : quand le timing fait l’impact

Il y a des cas où l’alignement avec l’époque est vertigineux. Non parce qu’il flatte l’opinion, mais parce qu’il en tord la structure.

Exemples :

  • Get Out (Jordan Peele, 2017) : un film d’horreur racial post-Obama, parfaitement synchronisé avec le surgissement massif des tensions raciales dans la culture dominante. Ce n’est pas un film « woke », c’est un film dissonant.
  • Mrs. Dalloway (Virginia Woolf, 1925) : roman profondément inscrit dans le trauma post-Première Guerre, mais qui en déplace le centre de gravité : pas sur les tranchées mais sur la mémoire.
  • Fight Club (Chuck Palahniuk, 1996) : anticipation brutale de la crise de la masculinité blanche néolibérale, avant même que le mot « masculinité toxique » ne devienne un hashtag.

Tous ces récits utilisent le Zeitgeist, mais ne le reproduisent pas. Ils le dérangent. Ils font grincer la machine.

4. L’écriture opportuniste : le syndrome de la post-synchronisation

Écrire après que le Zeitgeist s’est cristallisé, c’est souvent produire une copie. Une fiction-à postériori. Un récit qui cherche l’effet miroir mais finit en carte postale datée.

Nancy Kress l’alerte aussi, autrement :

« Un roman qui veut seulement plaire à son époque oublie que le lecteur veut une histoire — pas une validation. »

On ne lit pas pour être d’accord avec le monde. On lit pour percevoir l’impact d’une idée, d’un conflit, d’un risque.

 

5. Que faire alors ?

  •  Diagnostiquez le Zeitgeist, mais n’écrivez pas pour lui.
    Vous pouvez observer votre époque. Mais n’écrivez pas « sur » elle. Écrivez depuis ce qu’elle vous fait.
  •  Cherchez les angles morts.
    Là où tout le monde regarde, rien ne surgit. C’est dans les marges du Zeitgeist que naissent les grands récits. Regardez du côté des dissonances, des ironies, des effacements.
  •  Restez concret, pas conceptuel.
    Ce n’est pas la « question du genre » ou le « thème » qui fait un bon roman. C’est un personnage précis qui vit, qui subvertit ou trahit la question.

Zeitgeist, le personnage de Comix, qui a le pouvoir de …cracher de l’acide !

Conclusion : arrêtez de courir après l’époque, elle vous a déjà oublié

L’époque ne vous attend pas. Elle vous digère, elle vous dépasse, elle vous oublie. Le Zeitgeist est un courant, pas un oracle.

Un bon roman traverse le Zeitgeist comme un scalpel traverse la peau. Il incise, révèle, fait mal parfois. Mais il ne se contente jamais de suivre la température.

Comme le disait Truffaut :

« On ne filme pas l’époque. On filme ce qui en elle nous obsède. »

Vous désirez apprendre à écrire des histoires qui donnent envie au lecteur de dévorer le roman ? Nous vous recommandons nos formations suivantes : 

 

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