Adresse : 10 rue du chariot d’or, 69004 Lyon
Mail : contact@artisansdelafiction.com
Tél. : 04.78.29.82.07

 

Permanences téléphoniques et accueil :
les mercredis de 14h à 18h (hors vacances scolaires)

Nous suivre sur les réseaux
S’inscrire à notre newsletter

Les chats de Marie-Hélène Delval : Le fantastique qui s’immisce petit à petit


À première vue, des vacances estivales en pleine nature, un grand-père bienveillant et quelques chats noirs intriguants. Mais Marie-Hélène Delval ne s’arrête pas là. Avec Les Chats, elle plonge ses jeunes lecteurs dans une angoisse palpable, où chaque apparition féline pousse Sébasto et son grand-père un peu plus près du danger. Serez-vous assez courageux pour vous laisser hanter ?

La série “Chair de poule” est un classique du genre fantastique pour la jeunesse ; encore aujourd’hui, des jeunes lecteurs cherchent quelques frissons à travers ses pages. Momie, fantômes, le dessous d’un évier, un masque ou bien encore le célèbre Slappy le pantin, l’horreur peut prendre de multiples formes avec R. L. Stine.

Malheureusement, je n’ai pas fait partie de cette génération. Je n’ai jamais lu un seul tome de la saga ou de ses suites – ce qui ne m’a pas empêché d’aborder la peur sous d’autres formes. Les contes, les premières creepypastas, et un livre. Un livre m’a hanté pendant des années, grâce à sa couverture très reconnaissable. Adulte, je me suis décidée à le relire. Je ne me souvenais pas de l’intrigue, sauf son élément déclencheur : un chat noir aux yeux d’argent.

Pour la première fois depuis longtemps, Sébasto n’ira pas passer ses vacances au bord de la mer. Mais il s’en fiche, car il y a Da, son grand-père adoptif, et la perspective de passer l’été avec lui le réjouit beaucoup.

Ce matin-là, devant la maison de son ami, se trouve un chat. “C’était un très beau chat, un chat noir, avec un pelage si lisse et si luisant qu’on l’aurait cru peint à la laque”. Mais le malaise s’installe : ce chat l’intimide, alors qu’il reste parfaitement immobile. Sentiment partagé par Da dans son journal. Dès le lendemain, un deuxième chat apparaît, puis un troisième, un quatrième, et l’horreur ne fera que croître jusqu’au dernier…

Nous avons deux narrateurs : Sébasto et Da. Le premier, avec sa voix d’enfant de douze ans, découvre l’horreur au fil des jours : il trouvera le premier animal égorgé et exsangue sur le sentier. Le second, quant à lui, tentera de rationaliser les sombres événements qui l’entourent, avant d’enquêter sur les mythes et légendes de la région. L’histoire s’est déjà déroulée au moment où on nous la raconte, ce qui permet à Sébasto de nous laisser de nombreux indices sur le dénouement, augmentant un suspense savamment mené. Les chats s’immiscent petit à petit dans l’esprit de nos deux protagonistes sous forme d’un malaise, d’une inquiétude, d’une crainte pour terminer par l’effroi et la peur. Sébasto expérimente cette montée dans l’angoisse dans ses activités du quotidien : il y pense tout le temps, jusqu’à ce que ça s’infiltre dans ses rêves.

L’existence de ces chats est loin d’être naturelle, on le devine très vite. C’est comme ça que Marie-Hélène Delval insuffle le fantastique, par le biais de “l’inquiétante étrangeté”. Normalement, les chats ne représentent pas de danger. Mais ils n’agissent pas comme des chats ordinaires : ils observent les personnages sans bouger, ont des yeux étranges et chassent bizarrement la nuit tombée. Chaque découverte sanglante fait apparaître un membre dans cet étrange groupe. Malgré une pause de quelques jours, Sébasto et les lecteurs et lectrices sont à l’affût d’une nouvelle victime.

“On n’écrit pas avec des idées ! […] Je blague, bien sûr qu’il faut des idées, mais on écrit beaucoup plus avec ses émotions, avec son vécu. Une histoire qui ne vient pas de quelque chose de profond en soi est une histoire ennuyeuse en général, ou artificielle. C’est pour ça que le fantastique est un genre particulièrement intéressant parce qu’on est obligé vraiment de puiser en soi, dans ce qu’on vit, dans ce qu’on ressent et dans ce qu’on croit aussi sur la vie.”

L’univers narratif est lui aussi très efficace. On est aux abords d’une ville, dans les années soixante-dix, en plein été. Quoi de plus idyllique pour passer de merveilleuses vacances. Nous retrouvons le principe de l’horreur en plein jour dans “La maison hantée” de Shirley Jackson (retrouvez la chronique de Flavien Gache sur notre blog) ou dans le film “Midsommar”. Ici, ça permet d’aborder le passage à la maturité pour Sébasto : on délaisse l’insouciance estivale pour aborder la peur, la souffrance et le deuil.

Dans une interview sur la chaîne youtube des éditions Bayard, Marie-Hélène Delval révèle comment elle en est arrivé à écrire “Les chats” : suite à la traduction de certain tome de la série “Chair de poule”, elle a eu envie d’écrire, elle aussi, un roman fantastique, mais qu’elle qualifie de plus grave. Elle s’est inspiré d’un des contes alsacien de son enfance où un chat noir se révélait être l’incarnation du diable. Puis, elle a laissé ses personnages prendre les devants de l’histoire, comme une écrivaine jardinière digne de ce nom.

On remarque malgré tout de nombreux archétypes de personnages et des motifs classiques des contes : le Mal incarné, des preux chevaliers des légendes, un mentor… Elle le dit elle-même, “Les chats” est une histoire fantastique aux fondements classiques. Il est le premier d’une longue série de romans fantastiques : dans “Les traqueurs de cauchemars”, on y suit un groupe d’enfants luttant contre les cauchemars à répétition du petit frère de l’un d’eux ; Antoine, le héros de “Quand vient l’orage”, va devenir de plus en plus fasciné par une légende de son lieu de vacances, où une jeune femme est morte tragiquement.

“Je crois que c’est un genre qui donne d’abord une grande liberté de personnages, de scénario, et parce que ça parle des grandes questions de la vie. Et puis on peut le traiter de mille manières : on peut le traiter de façon amusante, rigolote, ou on peut le traiter de façon absolument dramatique. On a toutes les échelles possibles de styles. Ce qui m’intéresse dans le fantastique, comme je le disais, c’est que ça parle des choses les plus importantes, c’est-à-dire les grandes questions : le rapport entre le bien et le mal, et entre la mort et la vie.”

Le fantastique est, en effet, un genre qui permet d’aborder des thèmes universels, mais aussi de questionner la nature humaine, encore plus si l’horreur rentre en jeu. “Les chats” laisse une trace dans l’esprit de ses jeunes lecteurs et lectrices depuis vingt-sept ans. Si ce n’est pas le premier roman fantastique que l’on peut découvrir, il est de ceux qui questionnent notre rapport au deuil et à la mort, tout en gardant une pointe d’espoir dans son dénouement.

Sources :

https://www.youtube.com/watch?v=sfLPXBIrTyw

https://www.youtube.com/watch?v=rkdO9-dLh_I


150 avenue Franklin Roosevelt
69500 Bron
Facebook : Librairie Bron Presse

Instagram : librairiehoteldeville

Aller à la barre d’outils