Dire que la littérature postmoderne a tué la narration, c’est oublier qu’elle l’a surtout radicalisée. N opposons pas récit et introspection, mais célébrons la diversité des chemins qui mènent au sens. Écrire n’est pas un pacte d’ennui ni une fuite narcissique. Que vous aimiez les récits épiques ou les micro-détails intérieurs, ce qui compte, c’est que le livre casse une inertie.
1. Le Français postmoderne : défi sans récit ?
Depuis les années 1960 et 1970, la(Derrida, Lyotard, Foucault) a imposé un scepticisme radical envers les « grands récits ». Lyotard parle d’« incrédulité à l’égard des métarécits », appelant à la pluralité des microrécits
Cette posture critique a nourri une littérature fragmentée, métafictionnelle, souvent déconstruite. Le Nouveau Roman français, avec Robbe-Grillet ou Sarraute, refusait toute omniscience narrative, explorant sensations, mémoire et perception sans intrigue traditionnelle.
Mais ce déconditionnement n’est jamais un refus de la narration — seulement une recherche de nouvelles formes, d’une écriture qui interroge le langage, le sujet, le récit lui-même. Pas un appel à l’arrêt du mouvement narratif.
2. Ce qu’apporte Northrop Frye aux débats : un regard archétypal et fédérateur
Northrop Frye, dans, n’élabore pas une doctrine rigide, mais un réseau d’outils analytiques : les modes, les mythes, les symboles, les formes. Il propose une vision interconnectée, pas cloisonnée : les récits existent sur un continuum, du mythique jusqu’à l’ironique.
Dans ses carnets inédits, on lit aussi son scepticisme envers la déconstruction radicale : Frye redoute que l’anti-récit devienne un enfer critique sans alternative structurante.
Pour Frye, défendre la narration, c’est défendre une capacité humaine fondamentale : organiser des symboles, provoquer le sens, créer des mouvements affectifs. Ce n’est ni un classicisme réactionnaire, ni un dogmatisme.
3. Contre l’opposition binaire : narration et introspection se nourrissent
L’introspection littéraire — celle d’auteurs comme Perec, Duras, Ernaux — peut être centrée sur les voix intérieures, les fragments de temps, les récits non-linéaires. C’est une narration diluée, mais elle reste une narration.
S’opposer « introspection vs récit », c’est oublier qu’on peut expérimenter le temps, briser la linéarité, jouer du méta, sans briser l’élan vers quelque chose.
Ce que Frye enseigne, c’est que le récit est un mythe vivant : quel que soit le style, il doit créer une image structurée, guider l’imaginaire, ouvrir un espace partagé.
4. Gallmeister, Frye et l’héritage narratif : un appel à la robustesse
L’éditeur Olivier Gallmeister prône une littérature ancrée, émotive, structurée :
« Les Américains racontent encore des histoires… Le Comte de Monte‑Cristo, Les Misérables… Ce sont des histoires. »
Ce n’est pas un rejet de la postmodernité. C’est une affirmation d’un pouvoir narratif ancien, capable d’émouvoir et d’engager, sans tomber dans la posture.
Ainsi, défendre l’héritage narratif, ce n’est pas s’opposer à l’introspection, mais réaffirmer que le récit est un espace de liberté, un moyen d’entrer dans le réel, de partager. Et cette liberté est toujours plus puissante lorsqu’elle garde sa structure.
Conclusion
Narration et introspection ne sont pas ennemies. Elles sont deux manières complémentaires d’habiter un livre. Le récit classique, la fragmentation introspective, les jeux de langage critiques : tout cela peut et doit coexister. Le vrai enjeu est de savoir si l’on garde un mouvement, si l’on raconte, si l’on engage le lecteur dans un trajet, même intérieur. Et là, Frye comme Oliver Gallmeister nous encouragent à ne jamais lâcher cette responsabilité narrative.
Si vous désirez vous lancer dans l’écriture d’histoires et comprendre comment sont racontées les séries, nous vous recommandons nos formations suivantes :
