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Lire L’Anatomie du scénario pour écrire un roman


« L’Anatomie du scénario » est un grand classique des manuels de creative writing. On le retrouve dans toutes les bibliographies sur le sujet, aux côtés de Robert McKee, Dana Marks et autres très grands noms de l’écriture de scénarios. Et comme tous les grands classiques, il entraîne avec lui son flot d’incompréhensions, fantasmes et idées préconçues. Faut-il lire « L’Anatomie du scénario » pour écrire un roman ? La réponse courte est « oui, bien entendu » ! Mais en quoi est-ce utile pour un romancier… et suivre une méthode, n’est-ce pas un peu dangereux ? 

 

Les apports de « L’Anatomie du Scénario » pour écrire un roman ? 

Dans la grande famille des manuels de creative writing, « L’Anatomie du scénario » est très loin d’être l’ouvrage le plus désagréable à lire. Grâce à ses nombreuses masterclass, John Truby est un habitué de la pédagogie. Il emploie une langue simple, ses explications sont limpides et les exemples extrêmement précis. Il se concentre en particulier sur  les films « Casablanca » et « Tootsie » – qu’il analyse sous différents prismes -, mais n’hésite pas à multiplier les exemples et à aller piocher dans des histoires plus classiques voire dans des exemples non américains (« Un prophète », « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain »…).  

Alors oui, les exemples sont majoritairement issus du monde du cinéma et de la télévision, mais cela reste très précieux pour les romanciers et romancières qui sont – comme les scénaristes – des créateurs d’histoires. 

Et, bien entendu, il ne sera pas question d’outils de la narration littéraire (à part un chapitre très éclairant sur le dialogue). Mais vous ne trouverez pas non plus de points techniques directement liés au cinéma ou aux techniques de prises de vue. 

Non, ce qui intéresse Truby ce sont ces deux questions :

  1. Qu’est-ce qu’une bonne histoire ?
  2. Comment bien la raconter ? 

Raconter de bonnes histoires

Pour cela, il développe et analyse en profondeur les bases techniques de la dramaturgie et propose des méthodologies pour mettre en œuvre chacune de ces bases.

Chaque chapitre se termine par de longs passages de « questions/réponses », volontairement naïfs mais toujours intéressants, qui permettent d’aborder à nouveau les points traités d’une manière encore plus vivante. Cela permet à Truby de proposer de nouvelles méthodologies, de développer de nouveaux exemples… bref, d’approfondir son sujet.

Les thèmes traités dans « L’Anatomie du scénario » sont fondamentaux pour écrire un roman puisqu’ils abordent avant tout la méthodologie des histoires.
« Une histoire ne présente pas au public le monde réel ; elle lui présente l’univers du récit. (…) C’est une vie humaine condensée et exagérée de sorte que le public puisse parvenir à une meilleure compréhension de la façon dont la véritable vie fonctionne. »
Truby interroge donc scénaristes et romanciers sur les histoires les plus touchantes, celles qui permettent de condenser la vie ou ses expériences les plus essentielles.
Il propose plusieurs méthodologies pour repérer et concevoir des histoires puissantes et surtout « organiques » (un mot qu’il reprend à des très nombreuses reprises) car il est si facile de partir dans tous les sens, et de ne pas raconter une histoire jusqu’au bout… laissant le lecteur ou le spectateur dans un état d’incompréhension et de frustration. 

Cette recherche thématique est abondamment accompagnée par une analyse technique des piliers de la dramaturgie :

  • construire un personnage ainsi que tout un réseau cohérent
  • construire une intrigue puissante
  • élaborer un univers narratif vivant
  • tisser des scènes entre elles avec dynamisme
  • … mais aussi, comment développer des thèmes et utiliser la symbolique pour donner une puissance certaine à ses histoires.

Ces points techniques sont fondamentaux pour un scénariste, certes, mais plus largement aussi pour tous ceux et celles qui écrivent des histoires et veulent les structurer pour bien les raconter : les dramaturges, les romanciers, les humoristes…

Les pièges de « L’Anatomie du scénario » lorsqu’il s’agit d’écrire un roman

La grande intelligence de John Truby se situe en particulier dans cette manière de ne jamais dissocier thématique et technique, idée et structure. Il a pour ambition de faire comprendre au lecteur qu’une bonne histoire ne pourra jamais être le produit d’une technique aveugle ou d’une simple bonne idée… et pour cela, il est prêt à rendre sa méthodologie la plus « compréhensible », la plus « accessible » possible. Ce qui est vraiment, VRAIMENT, tout à son honneur ! (Quiconque a lu de nombreux manuels de creative writing saura que la compréhension du lecteur ne semble pas toujours être au cœur des priorités de nombreux théoriciens !).

De quels risques se méfier  ?

Truby veut être tellement didactique qu’il peut donner l’impression qu’écrire une bonne histoire est… facile. Sa pensée très analytique et ses nombreux conseils de « marches à suivre » peuvent faire croire à plus d’un lecteur imprudent qu’il s’agit ici de recettes à mettre en oeuvre sans réfléchir.

Par exemple, il n’hésite pas à catégoriser les constructions d’histoire. Il les sépare en cinq types : le récit linéaire, le récit en zigzag, le récit en spirale, le récit en ramifications et le récit explosif. C’est fascinant à lire et à analyser… mais il serait bête de vouloir faire rentrer toutes les histoires dans ces moules et de « faire son marché » sans essayer de comprendre que ce sont des prismes qui permettent de penser les histoires plutôt que de les exécuter… et que les histoires sont souvent des additions, voire des variations autour de ces catégories.

Et pourtant, John Truby ne manque jamais de rappeler que la technique est une matière souple à manier avec intelligence. La conception d’histoires est avant tout une question de temps et d’expérience chèrement acquise.

Les malentendus autour des méthodologies de John Truby viennent trop souvent d’une lecture rapide. En tant que formateur en creative writing, on doit parfois « rattraper » nos élèves impatients qui veulent « appliquer Truby ». En général, l’incompréhension des élèves se concentre sur la méthodologie en 22 étapes proposée par Truby pour construire une intrigue. Cette méthodologie est incroyablement intéressante et riche pour construire des histoires organiques, telles que Truby les conçoit. Mais pour fonctionner, il faut prendre le temps de comprendre en profondeur chacune des étapes, sa raison d’être dans l’histoire, l’effet psychologique qu’elle génère sur le lecteur (c’est-à-dire pourquoi cette étape permet au lecteur d’être toujours intéressé par l’histoire qu’il lit) et la puissance émotionnelle qu’elle permet de construire.

Suivre une recette sans la comprendre

Appliquer sans comprendre revient à essayer de faire une omelette en suivant une recette mais sans savoir ce qu’est un oeuf ni comment se servir d’une poêle… ça va être compliqué et frustrant ! 

Ainsi, ne lire que le chapitre « L’intrigue » et laisser de côté les autres est une véritable erreur !

Tout comme la soi-disant critique de la structure en trois actes formulée par John Truby (et qui revient si souvent dans la bouche des élèves !). Alors oui, John Truby se montre très frileux envers tous les auteurs de technique qui écrivent qu’il « suffit de construire trois actes » pour avoir une histoire… et il a bien raison ! Une histoire, c’est un début, un milieu, et une fin. Cependant une bonne histoire conserve ce motif et l’enrichit à l’infini ! Avec seulement un début, un milieu et une fin, une histoire est non seulement ennuyeuse, mais aussi facile à deviner, sans surprise, et tombe à plat.

Truby est un aristotélicien convaincu. C’est un amoureux de la structure en trois actes, mais il hait les structures vides qui n’abritent rien que des idées sans rebondissements, sans logique, sans profondeur.

Alors, comment donner de la profondeur à ses histoires ? En comprenant l’intérêt et la puissance de chacun des éléments qui la composent… et en essayant de les mettre en oeuvre de manière puissante, originale et cohérente. (Donc : en lisant tous les autres chapitres de « L’Anatomie du scénario » avec autant de concentration que le chapitre sur « L’Intrigue » !).

Faut-il appliquer « L’Anatomie du scénario » à la lettre pour écrire un bon roman ?

A plusieurs reprises, Truby supplie son lecteur de ne pas être rigide dans sa mise en application de ses méthodologies, en particulier de son système en 22 étapes : 

« Il faut les considérer comme l’échafaudage dont vous avez besoin pour réaliser quelque chose de vraiment créatif et pour être que tout fonctionnera à mesure que l’histoire se déploiera de façon organique (…). De toute façon, il est inutile de se braquer sur le chiffre vingt-deux. Une histoire peut comporter moins de vingt-deux étapes. Tout dépend de son type et de sa longueur. Il faut penser l’histoire comme un accordéon ».

« N’oubliez jamais que ces étapes sont de puissants outils, mais ne sont pas gravées dans le marbre. ll faut donc se montrer très souple lorsqu’on les utilise. Toute bonne histoire passe par ces étapes dans un ordre légèrement différent de celui qui est présenté ci-dessous. Vous devez donc trouver l’ordre qui correspond le mieux à l’intrigue et aux personnages que vous avez vous-mêmes créés ».

Conclusion :

Nous vous conseillons de lire « L’Anatomie du scénario » que vous souhaitiez ou non écrire un roman. Il s’agit à la fois d’une réflexion et d’une méthodologie passionnantes sur les histoires… C’est probablement la somme la plus complète sur le sujet écrit à l’heure actuelle ! Le livre est tellement riche que même après plusieurs lectures, on trouve toujours de nouvelles subtilités, de nouvelles pistes à explorer… À cet égard, ce livre est une totale réussite de la part de John Truby :

« Nous voulions que vous découvriez le code dramatique — la façon dont les êtres humains évoluent et changent au cours de leur vie — dans toute sa splendeur et sa complexité. Ce livre présente beaucoup de techniques qui permettent d’exprimer le code dramatique d’une histoire puissante et originale. Si vous êtes sérieux, vous ne cesserez jamais de les étudier et de les mettre en pratique ».

Mais n’hésitez jamais à confronter ce livre à votre pratique ainsi qu’à d’autres manuels. Le risque, dans toute méthodologie, est de devenir plus royaliste que le roi ! Jamais Truby n’essaie de vous montrer qu’il détient une vérité unique et exclusive. Alors n’hésitez pas à diversifier vos ressources, vos réflexions et vos analyses !

Et surtout, ne confondez pas compréhension intellectuelle et maîtrise. « L’Anatomie du scénario » n’est pas la recette unique et magique permettant de construire un best seller en un claquement de doigts : c’est un extraordinaire ouvrage pédagogique permettant de commencer à comprendre la manière dont fonctionnent en profondeur les histoires.
Lire « L’Anatomie du scénario » vous ouvrira les portes de l’apprentissage d’un artisanat passionnant et méticuleux.

Afin de varier la source de vos connaissances nous vous conseillons notamment :

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