Non, écrire n’est pas une illumination. C’est un métier, un chantier, un artisanat. La romancière et professeure de narration québécoise Roxanne Bouchard nous partage comment bâtir un roman comme on bâtit une maison : par couches, avec méthode, avec cœur. Et en acceptant de tout refaire.
1. Le mythe de l’inspiration ? Démoli.
« Écrire un roman, c’est comme bâtir une maison. »
Cette phrase, Roxanne Bouchard l’assène avec calme, comme une évidence apprise au feu de l’expérience. Et elle enchaîne : d’abord les fondations, ensuite les murs, puis la finition, et enfin — seulement à la toute fin — la décoration. Voilà ce que les écrivains débutants refusent trop souvent d’entendre : écrire, c’est construire. C’est un chantier.
Roxanne Bouchard, romancière, dramaturge, scénariste et professeur de narration québécoise à la plume exigeante, s’est en particulier faite maîtresse dans l’art du roman policier . Mais derrière le lyrisme de ses descriptions et la richesse poétique de ses personnages, se cache une architecte de la narration.
2. Avant d’écrire, il faut habiter le terrain
Ce qu’elle écrit, elle l’a vécu, entendu, arpenté. Sa méthode est intransigeante : se rendre sur place, en Gaspésie, passer des jours à discuter avec des pêcheurs, des chasseurs de phoques, des navigateurs. Elle prend des notes, capte les voix, les gestes, les silences, la lumière et le vent. Elle collecte l’humain.
Mais tout cela n’est pas du folklore. C’est un matériau. Les anecdotes s’assemblent, les voix s’hybrident. Elle fabrique ses personnages comme un artisan tresse des fils : un souffle malade ici, un regret d’amour là, une histoire de bleuets jamais plantés. Le détail devient symbole. Le réel devient roman.
3. La scène comme cellule vivante
Une scène qui ne sert à rien ? À la benne. Chaque scène doit faire progresser l’intrigue, révéler un personnage, générer une tension ou un écho. Et chaque fin de scène doit produire un effet d’appel. Une tasse qui tombe, une question suspendue, un regard qui claque la porte. Roxanne pense comme une scénariste : efficacité, rythme, structure. Elle vient du théâtre, écrit pour la télévision. Elle ne pardonne rien aux longueurs.
Et surtout, elle interroge toujours le point de vue. Qui voit ? Qui comprend ? Que sait le lecteur ?
Elle joue avec la focalisation comme on réoriente les murs d’une pièce pour qu’elle prenne la lumière.
4. Réécrire n’est pas un choix. C’est la règle.
« Réécrire, c’est comme remettre son ouvrage sur le métier, pas le remettre à quelqu’un, le remettre à soi-même. »
Boileau n’aurait pas dit mieux. Ce n’est pas une coquetterie : c’est une nécessité. Parce qu’on écrit parfois des scènes mauvaises. Et qu’on ne progresse qu’en les réécrivant. Encore. Et encore.
Elle ne prétend pas forger des écrivains. Elle enseigne des techniques. Le reste — l’imaginaire, la voix, la vision — c’est à l’auteur de l’amener. Son rôle à elle, c’est de transmettre le métier.
5. Le réel comme matière à transformer
Un roman, pour Roxanne, est une manière de reprendre le pouvoir sur le réel. Là où le monde échappe, l’écriture devient maîtrise. Dans la fiction, les méchants sont cernés, les blessures intégrées. L’univers est à taille humaine. Et la beauté — même dans un thriller noir — peut surgir à chaque page. Une phrase, un geste, un regard, une chanson de radio.
6. Ce que l’IA ne volera jamais
Roxanne le dit sans détour : tous ses livres ont été aspirés par les IA pour entraîner leurs modèles. Mais ce que les machines copient mal, pour l’instant, c’est ce que l’écrivain fabrique le mieux : sa vision du monde. Son kaléidoscope intime. Sa manière unique de rêver.
L’écriture est un acte de résistance : une reprise de pouvoir sur le langage.
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