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Caryl Férey : Le travail d’écrivain est aussi un travail d’enquêteur.


A l’occasion du Festival Quais du Polar en 2022, nous avons interviewé Caryl Férey, auteur célébré des romans policiers Haka, Zulu, Mapuche.  Lors de cette interview, il revient sur le travail d’écrivain et son parcours personnel.

Le travail d’écrivain : « Comme pour la musique, tu ne peux pas commencer en étant un génie. »

Caryl Férey commence à écrire à 17 ans non pas dans l’idée d’être écrivain mais par « plaisir » : il explique écrire tout d’abord pour ses amis, par ennui de l’école, et par amour des « histoires » que sa grand-mère lui racontait. Il affirme néanmoins que si écrire est pour lui « toujours un plaisir », cela n’en reste pas moins un travail difficile et long. Il ne se qualifie pas de génie, bien au contraire, il souligne l’importance du sentiment de progression, et le désir de rendre un jour ses écrits « lisibles ». Pour lui, la vocation d’écrivain n’est pas évidente, et le désir d’écrire peut être parfois pour certain empêché par la comparaison avec d’autres grands auteurs tels que Flaubert ou Balzac. Ce qui compte pour Caryl Férey, ce n’est donc pas d’atteindre un idéal, mais c’est de « faire les choses ». Pour écrire un roman, il faut écrire tout court, y prendre plaisir, et ne pas complexer vis-à-vis d’autres auteurs publiés et reconnus. C’est d’ailleurs grâce à cela que l’écriture mêle passion et travail, si bien qu’il devient un moment où « on ne compte plus les heures ».

 Écrire sans lire : est-ce possible ?

« Je ne pense pas, c’est comme faire de la musique sans écouter personne jouer. J’ai rencontré beaucoup d’artistes on va dire ou des gens qui ont fait divers métier et notamment des musiciens et y en a deux ou trois qui voulaient écrire mais je leur ai dit : « tu lis ? » et ils m’ont répondu : « ah non non, je n’ai pas le temps où je ne prends pas le temps. » […] Ils n’ont jamais rien écrit car écrire une chanson c’est une chose, mais écrire un roman c’est complètement différent. »

Caryl Férey a quant à lui beaucoup lu. Depuis tout petit, le livre a toujours été « un objet familier » : son arrière grand-mère lui lisait déjà des histoires, et ensuite par lui-même il s’est mis à découvrir des auteurs. Adolescent, il lit surtout Jack London (auteur et aventurier américain) puis adulte, il découvre Philipe Djian dont l’écriture lui semble moderne pour l’époque et James Ellroy, écrivain de roman noir et policier. C’est grâce à la lecture de ces auteurs, qu’il découvre en dehors du cursus scolaire, axés sur des « auteurs morts » français, la littérature américaine qui devient alors sa « vraie famille ».

Comment et en combien de temps écrit-on un livre ?

Il n’existe pas de méthode absolue, de temps défini pour finir un livre ou bien un rythme normal d’écriture. Certains auteurs écrivent « trois pages par jour », d’autres comme Caryl Férey soulignent que lorsqu’il  n’écrivent pas, ils réécrivent et que c’est là où réside le plus gros du travail de l’écrivain. Caryl Férey souligne  l’importance de la part de « réécriture » dans l’écriture d’un roman.

Caryl Férey retrace son processus personnel d’écriture, qui commence par le choix de la matière : il choisit un pays (Afrique du Sud, Argentine, Chili, Colombie…) qui a souffert de part son histoire et où les paroles des victimes sont « à faire resurgir ». Il faut, selon lui, que cette matière lui donne envie d’écrire, envie de la retravailler. Puis, pendant environ six mois, il cherche à apprendre tout ce qui est possible d’apprendre sur l’histoire du pays, et l’histoire qu’il veut raconter.

Dans son travail de recherche, il va directement sur place pour écrire des notes. Il passe ensuite, de retour en France, un à deux ans à écrire pour finalement retourner dans le pays sur lequel il travaille pendant un ou deux mois et rencontrer des personnes qui vont venir nourrir son livre. Cette dernière étape est pour lui importante, car elle donne l’impression « d’être dedans car les infos sont véridiques ». Le travail d’écrivain est donc aussi un travail d’enquêteur.

 Comment construire un personnage ? A-t-on besoin de tout connaître sur eux ?

Pour construire ses personnages, Caryl Férey s’inspire des rencontres qu’il fait durant son processus d’écriture : les personnages se chargent ainsi des « traits de personnalité, de caractère » proches de ceux qu’il observe au quotidien.

Le personnage de l’enquêteur (policier, détective ou journaliste) lui semble nécessaire pour raconter l’histoire du pays. Les victimes de ses romans sont choisies dans le but de raconter ce qu’il veut raconter. Ces victimes sont donc des victimes « en lutte », qui ne plient pas.

L’importance dans la construction du personnage n’est pas nécessairement la connaissance précise des tous les détails mais la vraisemblance. Caryl Férey par exemple, affirme ne pas connaître parfaitement le métier de policier : il résume sa connaissance du métier par savoir reconnaître « un revolver d’un pistolet ». Finalement, selon lui, ce n’est pas le métier en lui-même qui est important, mais son impression de vraisemblance, sa crédibilité en tant que personnage car on ne peut pas non plus dire n’importe quoi.

Quels conseils pour les aspirants écrivains ?

« Parler de ce que tu connais » : Caryl Férey souligne la difficulté d’écrire quand on est jeune, car il y a un manque d’expérience qui s’acquiert avec l’âge. A vingt ans, il a fait le tour du monde, et s’est nourri de ses voyages et de ses expériences personnelles pour écrire. Néanmoins, selon lui, avoir vécu peu de choses ne doit pas être un frein à la volonté d’écrire : il ne faut « jamais abandonner » l’écriture et « se remettre sur le travail » tout en y prenant plaisir.

S’il ne faut pas abandonner l’écriture, il conseille cependant de ne pas s’accrocher à une histoire : « il ne faut pas hésiter à abandonner un truc » si les retours ne sont pas bons et cela même si c’est une histoire finie et travaillée depuis un ou deux ans. Rien n’empêche d’y revenir dix ans plus tard, mais « tout ce qui compte c’est le nouveau, aller plus loin, prendre un vrai plaisir ».

Il termine par l’importance de déconstruire l’idée d’une écriture de la souffrance : l’écriture ne devrait pas être une douleur selon lui, sinon, elle perdrait son intérêt.

Interview : Lionel Tran. Article : Léa Ducourtiou. Nous remercions Quais du Polar pour leur accueil. La librairie Vivement Dimanche pour son soutien.

 

 

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