Non, un manuscrit ne se juge pas à ses fautes d’orthographe. Il se juge à son âme. Ce que cherche une éditrice comme Marie Eugène ? Pas un texte parfait. Un texte irremplaçable.
« On ne publie pas un manuscrit sympa. On publie un texte nécessaire. »
La sélection des manuscrits n’est pas une loterie. C’est une guerre froide. Une guerre menée avec intuition, rigueur, et lucidité par des éditrices comme Marie Eugène, aujourd’hui à la tête du domaine français de Phébus.
Dans une époque saturée de textes, où les copies parfaites côtoient les livres absurdes, où l’insipide se maquille en style, où le prêt-à-publier menace le romanesque, cette éditrice revendique un art du tri, du choix, du risque. Non pour humilier. Mais pour défendre une certaine idée de la littérature : une littérature exigeante, singulière, et habitée.
1. Lire à la diagonale, sentir à l’épicentre
La première chose que rappelle Marie Eugène, c’est la multiplicité des canaux par lesquels arrivent les textes : plateformes internes, agents, mails directs, envois spontanés… Mais surtout : l’intuition de la singularité.
« Parfois, il suffit de quelques lignes pour savoir qu’on tient un très bon texte. »
Ce qu’elle cherche ? Une personnalité. Un pacte narratif tenu. Une langue qui ose. Pas forcément une copie parfaite, mais un texte qui fait ce que les autres ne font pas.
2. Les textes refusés : trop propres, trop fades
Le problème n’est pas l’orthographe. Pas même les coquilles. Le problème, ce sont les manuscrits lisses.
« Une copie très propre mais totalement insipide, ça arrive souvent. »
Marie Eugène rejette les livres qui ne prennent aucun risque. Ceux qui simulent la littérature au lieu de la chercher. Ceux qui rejouent une recette au lieu d’habiter une nécessité.
Et surtout, elle rejette les projets qui n’ont rien à faire chez Phébus : théâtre, poésie, manuscrits à traduire. L’enjeu ? Publier ce que l’on est capable de défendre avec passion et cohérence.
3. Ce qui fait la différence
Il y a des textes qui « ne sont pas prêts ». Et des textes qui « veulent plaire ». Aucun des deux n’est suffisant.
« On sent si un auteur a écrit ce livre parce qu’il n’avait pas le choix. »
C’est cette authenticité que Marie Eugène traque. Ce point de bascule où le projet littéraire s’impose par sa nécessité intérieure. Où l’auteur n’écrit pas pour être publié, mais parce que ne pas écrire serait pire.
4. Tout manuscrit publié est retravaillé
Il n’y a pas de texte parfait à la livraison. Même un roman excellent demande plusieurs séances de travail. Surtout s’il y a des éléments de genre : rythme, structure, personnages sont questionnés, repensés, équilibrés.
« Oui, tous les textes publiés sont retravaillés. »
Et ceux qui ne sont pas publiés, mais prometteurs, reçoivent des pistes de progression. L’éditrice ouvre alors un espace de maturation, sans garantie, mais avec respect.
5. Le métier d’éditrice : choisir, accompagner, défendre
Ce que fait une éditrice comme Marie Eugène ? Elle choisit. Elle accompagne. Elle soutient.
Elle choisit un texte, un auteur, une temporalité, un positionnement. Elle accompagne l’auteur dans la traversée du livre, parfois longue. Elle soutient son projet face à l’équipe commerciale, les libraires, les médias.
« Je croyais que mon travail, ce serait de corriger des virgules. En fait, ce n’est que le début. »

6. Hybrider les genres, défier les étiquettes
Elle défend l’hybridation narrative, tout en sachant qu’il faut positionner un livre sur une table de librairie. Elle aime quand un texte mélange le roman familial et le polar, quand il ose un final fantastique dans une fable réaliste.
« J’essaie toujours de resquiller un peu au moment des argumentaires de vente. »
C’est cette tension féconde entre singularité et lisibilité qui l’intéresse.
7. Quels types d’histoires voulons-nous ?
Impossible pour elle de prophétiser.
« On n’invente plus rien. Tout a été écrit depuis la Bible. »
Mais elle observe les tendances. Le polar féministe. La réhabilitation de la fiction. La volonté de raconter autrement. Et rappelle qu’une bonne histoire, aujourd’hui comme hier, nous consolera, nous éveillera, nous reliera.
8. Le conseil ultime aux auteur·ices
Faites court. Soignez l’envoi. Lisez le catalogue. Ne cherchez pas à séduire : soyez nécessaires.
9. Et l’IA dans tout ça ?
Marie Eugène ne s’en inquiète pas trop. Elle rappelle que le numérique n’a pas tué le papier. Et que l’intelligence humaine précède, nourrira et défiera toujours l’intelligence artificielle.
Conclusion : la littérature comme nécessité partagée
Ce que Marie Eugène défend, ce n’est pas un bon goût figé. C’est la vitalité du texte juste, celui qui parle haut, clair, sincère. Elle défend la littérature comme un art de choisir, risquer, relier. Et le travail éditorial comme un engagement collectif.
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