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Que vaut le nouveau Truby, L’Anatomie des genres ?


L’Anatomie des genres, le nouveau livre de John Truby, après L’Anatomie du Scénario est un véritable phénomène éditorial mondial depuis sa parution il y a un an et n’est pas encore traduit en France. Alors que vaut ce pavé de 700 pages ambitieusement sous-titré « Comment les types d’histoires expliquent la manière dont le monde fonctionne » ?

Ambitieux, hyperdense, déroutant, génial. Ces quatre adjectifs s’appliquent à L’Anatomie des genres de John Truby, une somme de 700 pages dédiées aux genres littéraires, à leur fonction morale et philosophique, à leurs règles de construction et à la manière de les transcender.

Un livre ambitieux

Alors que L’Anatomie du scénario a pu être pris pour un guide pas à pas de la manière de structurer une histoire, qu’il s’agisse d’un roman, d’une bande dessinée ou d’un scénario, L’Anatomie des genres ne se présente pas comme un livre de recettes à mettre en œuvre pour réussir une histoire.

L’Anatomie des genres est un livre de biologie narrative, dressant le tableau de l’ensemble des différents types d’histoires. En ce sens, c’est un véritable tour de force. Jusqu’ici, les apprentis narrateurs désirant se former aux principes des histoires de genres devaient se pencher sur chaque genre séparément (par exemple : La romance, l’horreur, le mystère, la fantasy…).

L’Anatomie des genres analyse et identifie les règles de construction de 14 genres :

L’horreur / L’action / Le mythe / L’autobiographie (Les mémoires) / L’histoire de maturation / La science fiction / Le crime / La comédie / Le western / L’histoire de gangster / La fantasy / le thriller / Le mystère / L’histoire d’amour (la romance).

L’ouvrage est riche en outils mais procède d’une ambition bien plus vaste. Il s’agit, dans L’Anatomie des genres, d’analyser la fonction profonde des histoires. C’est-à-dire à quels besoins répond la narration.

Dans son introduction, John Truby explique :

« Une histoire est une philosophie de vie exprimée à travers les personnages, l’intrigue et l’émotion. C’est pourquoi les histoires sont les blocs de construction universels des religions depuis toujours. Les histoires transcendent les religions particulières, dont chacune est une collection d’histoires racontant comment vivre une vie éthique. Nous trouvons ces histoires dans l’Ancien Testament (Judaïsme) et le Nouveau Testament (Chrétienté), le Coran (Islam), les Upanishads (Hindouisme), le Yi King (Confucianisme) et d’innombrables autres textes. La religion universelle des histoires est la raison pour laquelle les romans, les séries télévisées, les films, les pièces de théâtre et les jeux vidéo d’aujourd’hui définissent la culture du monde séculaire.
La narration influence chaque aspect de la vie d’une personne. »

Fruit de plus de 30 ans de recherches menées par Truby, longtemps annoncé et retardé, L’Anatomie des Genres le chaînon manquant dans l’apprentissage de la narration, un ouvrage incontournable, d’une richesse et d’une puissance folles.

Un livre hyperdense

L’Anatomie des genres, sur lequel se penche depuis plus d’un an l’équipe pédagogique des Artisans de la Fiction, est un livre extrêmement riche, dont la lecture de chaque chapitre demande d’être digérée, paragraphe par paragraphe, phrase par phrase.

Examinons la structure du livre. Après une introduction mettant en perspective l’importance de la narration en tant que mode d’apprentissage moral du monde (les histoires sont à la fois une distraction et une manière de transformer son rapport à la vie), John Truby se penche sur les 14 genres narratifs et les besoins auxquels ils répondent.

Il ordonne ces genres sur une échelle philosophique et consacre 14 chapitres à ces 14 types d’histoires.

Chacun de ces chapitres s’articule ainsi : définition du genre et du besoin psychique profond auquel il répond (pourquoi nous avons besoin de lire ou de voir tel type d’histoire), puis il liste les articulations fondamentales de chacun de ces genres, chaque genre comportant de 10 à 20 articulations. Enfin, il conclut chacun de ses chapitres par une exploration des moyens de transcender chacun de ces genres, c’est-à-dire d’aller au-delà des règles de construction en combinant de manière inattendue plusieurs genres entre eux. Chaque chapitre se conclut en abordant l’échelon suivant de l’échelle des genres, enchaînant sur un autre chapitre.

Les exemples qui illustrent les articulations de chaque genre sont souvent récents (par exemple : Westworld, Interstellar, Coda, Mad Men, Knives out). John Truby considère que la narration actuelle atteint des sommets, grâce notamment à la combinaison des genres, qui tout en répondant aux attentes du public, l’emporte au-delà des attentes usuelles. Il cite donc de nombreuses séries télé récentes mais s’appuie également sur une solide culture narrative classique.

Un livre déroutant

L’Anatomie des genres déroute, car il va au-delà du fossé habituel qui sépare depuis l’antiquité, d’un côté la culture respectable et de l’autre la culture populaire les histoires consommées pour le plaisir). Cette distinction a été remise en cause depuis une dizaine d’années, avec entre autres la traduction en France des ouvrages de Truby, de Vogler, ou de McKee.

Mais alors que l’on pouvait continuer à imaginer, d’un côté des recettes, permettant de raconter, et de l’autre une pureté de création, touchant un public plus exigent et mature, se méprenant sur l’enseignement au cœur de L’Anatomie du scénario (le débat moral du protagoniste), L’Anatomie des genres pousse le curseur dans des territoires conceptuels peu connus en France.

Il est en effet ardu de comprendre en profondeur le dernier Truby sans passer par la case jungienne (la théorie de l’inconscient collectif, des archétypes et des types psychiques), et par la lecture des travaux du critique littéraire canadien Northrop Frye (qui a réhabilité la notion d’héritage narratif à partir des années 1960 : pour Frye, les histoires se refont depuis la nuit des temps, elles aident l’humanité à se structurer, en fonctionnant de manière rituelle).

Ces approches fondent la narration anglo-saxonne (et se trouvent dans de nombreux héritages narratifs internationaux).

Un livre génial

La distinction entre « bonnes » et « mauvaises » histoires apparaît déjà dans les écrits de Platon, pour qui les « mythes » sont l’opium du peuple grec, opposé à la philosophie. Platon fera pourtant appel à la puissance des mythes et de la narration, pour illustrer ses principes philosophiques, comme avec la parabole de la caverne, par exemple. Cette distinction entre « bonnes histoires », censées célébrer les valeurs humaines dignes, et élever l’esprit, et les mauvaises histoires, plaisir coupable rabaissant ceux qui s’en délectent est probablement aussi ancienne que l’humanité, et, comme l’explique Northrop Frye dans ses ouvrages passionnants, tient surtout à une question de domination culturelle.

Dépasser cette distinction entre « haute narration » et « sous histoires » est extrêmement difficile, car cela veut dire affronter les à priori sociétaux de l’époque (dont nous ne sommes souvent pas conscients). Dire que l’on aime les histoires d’horreur ou de romance, c’est s’exposer au mépris…

Le génie de L’Anatomie des genres est de réintégrer les genres (et leurs innombrables variations, les sous-genres), dans le canon philosophique des « bonnes histoires ». John Truby explique que les genres nous aident à comprendre notre relation au monde et à agir en conséquence.

Voici la fonction des 14 genres narratifs d’après John Truby :

  • L’horreur : Faire face à la mort et affronter les fantômes de son passé.
  • L’action : Réussir, c’est prendre sa vie en main et agir.
  • Le mythe : Rechercher l’éternité en trouvant sa destinée dans le monde.
  • L’autobiographie et les histoires de maturation : Examiner sa vie pour créer son vrai moi.
  • La science fiction : Faire les bons choix aujourd’hui, pour créer un meilleur futur pour tous.
  • Le crime : Protéger les faibles et traduire les coupables en justice.
  • La comédie : Le succès survient quand vous avez fait tomber toutes les façades et montré qui vous êtes réellement.
  • Le western : Aider les autres à bâtir leur demeure et créer les bases d’une société où tout le monde peut savourer la vie.
  • Gangster : Ne devenez pas l’esclave du pouvoir ou de l’argent car vous en paierez le prix.
  • La fantasy : Découvrez la magie en vous qui transformera la vie en une œuvre d’art.
  • Le mystère et le Thriller : Chercher la vérité et assigner la culpabilité malgré le danger.
  • La romance : Apprendre à aimer est la clé du bonheur.

John Truby ancre les genres dans un héritage mais se défie d’une sclérotisation des règles. Il appelle longuement à sortir de l’unique modèle du « Voyage du héros », modèle puissant et dynamique, mais qui n’est pas le seul. Il appelle également à l’hybridation constante des genres, qui garantira le renouvellement de la narration.

Conclusion

L’enseignement de la narration, après avoir quasi totalement disparu en France, renaît progressivement depuis une dizaine d’années, suite au succès massif des séries télé, qui ont réhabilité la notion de fiction longue. Romanciers et scénaristes se réconcilient avec la dramaturgie, et de bonnes histoires sont de plus en plus régulièrement proposées au public.

La lecture et l’étude de L’Anatomie des genres vont aider à étayer ce renouveau, en permettant de remonter à la racine des histoires de genre et à les régénérer. Mais cela prendra du temps et demandera des efforts puissants . Ce qui est réjouissant !

Inutile de préciser que c’est précisément au cœur du projet des Artisans de la Fiction

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