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L’artisanat de l’écriture selon John Langan


On a voulu nous faire croire que l’écrivain est un mage inspiré, un génie soufflant ses phrases comme des oracles. John Langan, lui, remet les mains dans la sciure : l’écriture est un artisanat.

Du papier jauni, du café, des tropes recyclés comme du bois, du POV travaillé comme une charpente. Ce n’est pas moins noble : c’est plus vrai.

John Langan n’est pas seulement l’auteur de The Fisherman, roman d’horreur récompensé par le prix Bram Stoker, il est aussi un pédagogue qui a enseigné le creative writing pendant près de vingt ans à l’Université de New Paltz. Son approche de l’écriture se lit comme une profession de foi : écrire n’est pas une illumination, c’est un artisanat.

« En tant qu’écrivain, vous disposez d’une immense boîte à outils rhétorique : comparaisons, métaphores, métonymies, allusions… Vous devez absolument vous en servir. »

 

Écrire comme un rituel

Langan insiste : écrire est une question de routine, pas de génie spontané.

« J’essaie d’écrire tôt le matin ou tard le soir, quand mon censeur intérieur dort. J’écris à la main, sur des blocs jaunes, à raison d’une page par jour. C’est une discipline, presque un rituel. »

Cette discipline s’accompagne d’un rapport très concret à l’environnement : le café, le bruit de fond de la maison, les chiens qui bougent. Rien d’héroïque, mais une habitude artisanale qui transforme la page blanche en atelier quotidien.

Le travail préparatoire : lire, absorber, digérer

Loin du cliché de l’écrivain qui « reçoit » son histoire des limbes, Langan revendique une pratique patiente, nourrie par l’accumulation des lectures.

« Je lis depuis toujours et je continue sans cesse, parfois par audiobooks, parfois par bandes dessinées. Tout cela entre dans mon cerveau et constitue ma préparation. »

Pas de plans rigides : une voix, une tonalité, une première phrase suffisent à orienter le récit. Mais cette liberté repose sur un socle : une culture narrative vaste et diversifiée.

Le point de vue comme défi

Langan ne cesse de remettre en question ses choix narratifs : première, deuxième, troisième personne, voix collective, forme théâtrale… rien n’est interdit.

« Nous devons sans cesse nous pousser à trouver de nouvelles façons de nous challenger. J’ai même envisagé d’écrire du point de vue d’un chien. Pourquoi pas ? »

Ce jeu avec le point de vue est pour lui une manière de croître comme artisan : tester ses limites, explorer d’autres voix, chercher ce qui fonctionne.

L’art de la description horrifique

L’horreur, selon Langan, n’est pas qu’affaire de monstres, mais de réactions.

« Le vrai secret, c’est la réponse des personnages. Le monstre doit être vu à travers quelqu’un. Ce qui compte, ce n’est pas seulement ce qu’il est, mais la façon dont il est ressenti. »

Vue, son, odeur, mais surtout la réaction humaine : rire, effroi, surprise. L’écrivain fabrique ainsi un dispositif sensoriel qui fait exister la peur.

Tropes et clichés : des matériaux, pas des chaînes

Là où d’autres méprisent les tropes, Langan les assume comme des outils.

« L’originalité n’est pas dans le matériau, mais dans l’exécution. Tout le monde peut écrire une histoire de vampire, mais chaque version sera différente. »

Il compare les conventions à la forme du sonnet : une structure qui n’étouffe pas, mais qui cadre la créativité.

John Langan est également l’auteur de livres de creative writing pour étudiants

Hybridation des genres : la littérature est toujours impure

Pour Langan, séparer les genres est une illusion.

« Il n’existe pas de genre pur. L’Exorciste est à la fois un drame médical et une histoire surnaturelle. C’est cette hybridation qui lui donne sa puissance. »

En horreur, l’hybridation est une richesse : l’enquête, le drame intime, la tragédie se combinent avec le fantastique pour toucher plus juste.

Peut-on enseigner l’écriture ?

Ancien professeur, Langan reste lucide :

« Le fait que vous soyez en classe montre déjà que vous pouvez apprendre. Vous avez le désir. Mais pour écrire, il faut deux choses : lire et écrire. Si vous ne lisez pas, vous ne comprendrez jamais la langue que vous prétendez pratiquer. »

L’enseignement n’est pas une révélation magique, mais un environnement stimulant, où les étudiants se nourrissent aussi les uns des autres.

À quoi servent les histoires ?

Pour Langan, l’histoire est un mécanisme de survie :

« Les êtres humains sont des animaux qui racontent. Les histoires sont la manière dont nous organisons le chaos du monde, dont nous faisons sens de nos expériences. »

L’horreur, en particulier, nous confronte à l’instabilité fondamentale : la mort, la perte, le basculement soudain. Elle permet d’affronter l’abîme en le racontant.

Le rôle du Zeitgeist et des nouvelles voix

« Nous avons besoin de toutes les histoires possibles, parce que le monde actuel tente d’aplatir les perspectives. Je me réjouis de voir des voix venues de communautés marginalisées utiliser l’horreur pour raconter leurs expériences. C’est vital. »

Là encore, l’artisanat de l’écriture rejoint un enjeu politique : multiplier les récits, refuser l’uniformisation.

Conseils aux débutants : écrire, quoi qu’il en coûte

« Faites-le. Écrivez. Les conditions sont toujours impossibles, mais il faut le faire quand même. Bien sûr, gardez un travail pour rassurer vos parents, pour manger. Mais continuez d’écrire. Personne ne peut vous en empêcher. »

Contre l’intelligence artificielle : défendre l’artisanat

Langan se montre intransigeant sur la menace de l’IA :

« L’intelligence artificielle cannibalise notre travail pour produire une expérience médiocre. Elle devrait servir à la recherche médicale ou astronomique, pas à remplacer les écrivains. Ne signez jamais d’accord qui brade vos droits à l’IA. »

Pour lui, défendre l’artisanat de l’écriture, c’est aussi défendre la singularité de la voix humaine.

Conclusion

John Langan nous rappelle une évidence féroce : l’écriture n’est pas une illumination romantique, mais un métier exigeant, une pratique artisanale. Lire, écrire, réécrire, tester, réutiliser les tropes comme un menuisier ses outils, repousser ses propres limites et tenir bon face aux illusions de la facilité.

« Le bonheur, disait Steve Hamilton, c’est de faire quelque chose qu’on aimait enfant, d’une manière qui nous satisfait adulte. »
C’est aussi la définition de l’artisanat de l’écriture selon John Langan.

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