On rêve de Musso, on obtient le SMIC divisé par quatre. En France, moins de 2 % des écrivains vivent de leur plume. Le reste survit à coups d’à-valoir faméliques, de contrats tordus, de festivals et d’ateliers. Le mythe romantique s’effondre, mais la réalité reste féconde : on peut vivre en écrivain, à condition de sortir du mirage et de penser ce métier comme un artisanat pluriel.
On aime l’idée romantique de l’écrivain qui vit de sa plume. On imagine des à-valoir mirobolants, des droits d’auteur qui tombent comme des feuilles en automne, des vies entières consacrées à l’écriture. La réalité est moins poétique : beaucoup d’auteurs vivent dans la précarité, jonglant entre contrats, revenus annexes, et débuts de mois difficiles. Mais il existe des chiffres, des études, et des pistes pour comprendre ce que « vivre de l’écriture » signifie réellement.
Études de référence : La condition littéraire et autres enquêtes
L’étude La condition littéraire a marqué les débats sur le statut de l’écrivain. Elle souligne ce que beaucoup pressentaient : la précarité est structurelle, les inégalités abyssales et l’écriture demeure souvent une activité partielle, complétée par d’autres revenus. Cette photographie sociologique rappelle que le métier existe, mais rarement comme unique source de vie.
En parallèle, l’Observatoire des artistes-auteurs, le Ministère de la Culture, et la Société des Gens de Lettres (SGDL) publient régulièrement des données actualisées.
Revenus moyens et médians
- Selon l’Observatoire des artistes-auteurs, 75 % des artistes-auteurs perçoivent moins de 10 000 € par an de leurs activités artistiques (Sénat, 2024).
- Seuls 10 % dépassent le revenu médian national (≈ 24 000 €/an) grâce à leurs revenus artistiques (Sénat, 2024).
- Concrètement, cela signifie que la majorité des écrivains français doivent chercher des compléments de revenus ailleurs.
Le nombre d’auteurs en France
- Environ 100 000 auteurs de livres sont recensés en France.
- Mais seuls moins de 2 000 vivent exclusivement de leurs écrits, soit moins de 2 % (Sénat, 2022).
- En 2023, près de 39 134 nouveaux artistes-auteurs ont démarré leur activité et intégré la couverture sociale des artistes-auteurs, preuve de l’élargissement constant de cette population (Sécurité sociale des artistes-auteurs, 2023).
Ces chiffres montrent l’écart vertigineux entre l’image idéalisée du métier et la réalité : une poignée vit du livre, la majorité vit avec le livre.
Droits d’auteur et à-valoir
- Le pourcentage standard tourne autour de 8 à 10 % du prix de vente hors taxe d’un livre. En jeunesse ou BD, ce taux est souvent plus bas (6-7 %).
- Un roman vendu 20 € rapportera donc environ 2 € à son auteur.
- Pour 25 000 exemplaires vendus (un succès important), cela représente 50 000 € de chiffre d’affaires éditeur, mais seulement ~10 000 € pour l’auteur.
- Quant aux à-valoir, ils oscillent de 300 € pour un premier roman à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour des auteurs installés — avec des exceptions spectaculaires pour les best-sellers.
Les revenus annexes, indispensables
Puisque les droits d’auteur seuls ne suffisent pas, la majorité des écrivains complètent grâce à :
- Les rencontres scolaires (notamment en jeunesse, rémunérées selon les barèmes de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse).
- Les festivals, résidences et ateliers d’écriture.
- Les bourses et aides publiques (Centre National du Livre, DRAC, Régions).
- Les commandes de textes ou travaux dérivés (presse, théâtre, scénarios, adaptations).
Comme le dit Joël Bouvier (Agence Auvergne Rhône-Alpes Livre et Lecture) :
« Une très faible minorité d’auteurs parvient à vivre uniquement de ses ventes de livres. Le reste de leurs revenus provient des rencontres, festivals, bourses, ateliers. »
La surproduction et la concentration des ventes
Chaque rentrée littéraire, environ 400 titres paraissent en deux mois. Mais 20 titres captent la majorité des ventes (Le Monde, 2023).
Conséquences :
- Les livres « invisibles » disparaissent vite des rayons (3-4 mois de durée de vie).
- Les libraires doivent constamment faire de la place aux nouveautés.
- La carrière d’un livre se joue dans un temps de plus en plus réduit.
Le partage du prix du livre
Sur 10 € HT de prix public :
- Auteur : 10 % (~1 €).
- Éditeur : 35 % (dont 15 % de fabrication).
- Diffusion / distribution : 20 %.
- Libraire : 35 %.
La chaîne du livre repose sur l’auteur, mais c’est lui qui touche le moins. Une absurdité systémique.
Autoédition et numérique : mirages et réalités
- L’autoédition peut générer plus de revenus unitaires, mais elle repose sur la capacité de l’auteur à financer, distribuer et promouvoir son livre.
- Le numérique reste marginal en France : quelques succès fulgurants existent, mais ils s’appuient sur des stratégies communautaires et une communication intensive sur les réseaux sociaux.
Conclusion : vivre avec l’écriture, pas uniquement de l’écriture
Combien gagne un écrivain en France ? Entre rien ou presque pour la majorité, quelques milliers d’euros pour ceux qui trouvent un éditeur, 10 000 à 20 000 € par an pour une minorité installée, et des fortunes pour une poignée de best-sellers.
Mais la vraie question est ailleurs : écrire est-il seulement une activité marchande ? Non. C’est aussi un artisanat, un engagement, une voix. L’essentiel n’est pas de devenir millionnaire mais de vivre en écrivain, c’est-à-dire d’intégrer l’écriture à sa vie et à un ensemble d’activités.
La littérature n’est pas une loterie. C’est un métier, fragile mais vital. Et si nous voulons qu’il survive, il faut cesser de le penser comme une vocation romantique : c’est un travail, qui mérite rémunération et reconnaissance.
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