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Gagner sa vie en tant qu’écrivain : mirage ou réalité ?


En France, on adore les écrivains… morts. Les vivants, eux, survivent avec 10 % du prix du livre, des à-valoir faméliques et des contrats indigestes. Mais bonne nouvelle : on peut gagner sa vie en écrivain, si on accepte que cela ne se résume pas à vendre des romans. Festivals, ateliers, bourses, rencontres scolaires : le métier existe, à condition de le penser comme un artisanat pluriel, pas comme un sacerdoce romantique.

1. Le mythe de l’auteur inspiré contre la réalité des contrats

Le rêve romantique : écrire un roman, être publié, toucher un chèque conséquent et vivre de sa plume. La réalité : un contrat de trente pages, un à-valoir de 300 euros (quand il existe), et 10 % de droits d’auteur au mieux.

« Pour un premier roman, c’est rare qu’il y ait un à-valoir. Nous conseillons toujours de le demander : cela incite l’éditeur à investir dans la promotion. »

Un auteur qui vend 25 000 exemplaires (un succès déjà considérable) touchera environ 10 000 euros. Trois ans de travail pour l’équivalent d’un demi-SMIC annuel. Voilà le nerf de la guerre : les écrivains sont payés au pourcentage, pas à la sueur.

2. Le rôle des Agences Régionales du Livre : accompagner, protéger, éclairer

Face à cette réalité brutale, les Agences Régionales du Livre (Auvergne Rhône-Alpes Livre et Lecture, Occitanie Livre & Lecture, Normandie Livre & Lecture, etc.) sont des phares dans la tempête.

Leur mission ?

  • Relire les contrats et débusquer les clauses illégales.
  • Conseiller sur la négociation des droits.
  • Orienter les auteurs dans le maquis administratif (URSSAF, statuts sociaux).
  • Proposer des dispositifs d’aide à l’écriture.
  • Promouvoir les auteurs auprès des libraires, éditeurs et institutions.

« On relit régulièrement des contrats. Certains comportent des mentions illégales. D’autres sont légaux mais contraires aux usages. Et il y a enfin les clauses négociables : la durée de cession, l’étendue des droits, l’à-valoir. »

En clair : sans ces structures, beaucoup d’auteurs seraient pieds et poings liés devant des éditeurs pressés.

3. Vivre de l’écriture… ou des à-côtés

Un constat sans appel : « Une très faible minorité d’auteurs parvient à vivre uniquement de ses ventes de livres. »

Le reste du revenu vient d’activités connexes :

  • Rencontres scolaires rémunérées (notamment en jeunesse).
  • Festivals et tables rondes.
  • Bourses (Centre National du Livre, DRAC, régions).
  • Ateliers d’écriture et interventions diverses.

Autrement dit : vivre en écrivain, c’est accepter que l’écriture se prolonge en médiation, en partage, en transmission.

4. Le piège du tout ou rien

Faut-il quitter son emploi pour écrire à temps plein ? Joël Bouvier est clair : non, sauf exception.

« Je déconseille aux auteurs d’abandonner leur métier. Beaucoup qui l’ont fait se retrouvent dans des situations sociales très difficiles. »

Écrire n’est pas forcément un métier exclusif. Il peut s’inscrire dans une mosaïque d’activités. La liberté créative exige souvent une sécurité matérielle.

5. La surproduction : 400 romans, 20 qui se vendent

Chaque rentrée littéraire est un champ de bataille : 400 titres en deux mois, et une vingtaine seulement qui captent l’essentiel des ventes. Résultat :

  • Des livres qui disparaissent des rayons au bout de trois mois.
  • Des libraires contraints de faire de la place.
  • Une carrière littéraire qui se joue souvent à la vitesse d’un éclair.

« La durée de vie d’un livre en librairie est de plus en plus courte, sauf pour les têtes d’affiche. »

6. Le partage du prix du livre : le fameux camembert

Sur 20 € TTC :

  • Auteur : 10 %
  • Éditeur : 35 % (dont 15 % de fabrication)
  • Diffusion/distribution : 20 %
  • Libraire : 35 %

La part du libraire paraît énorme, mais elle couvre loyers, charges, retours. Quant à l’auteur, il reste le plus mal payé de la chaîne, alors même qu’il en est l’origine. Le paradoxe d’un système qui vit du créateur sans le rémunérer.

7. Autoédition, numérique : mirages et réalités

S’autoéditer ? Possible, mais surtout localement, à la manière d’un fanzine. Sans diffusion nationale, c’est une économie artisanale. Le numérique ? Marginal en France. Les succès existent, mais reposent sur la capacité à construire une communauté en ligne. Autrement dit : pas d’argent sans stratégie de communication.

8. La librairie indépendante : un poumon fragile mais vital

Heureusement, la France a sauvé son réseau grâce au prix unique du livre. Nos 3 000 librairies indépendantes sont des prescripteurs essentiels. Elles donnent leur chance à des textes fragiles, elles soutiennent la bibliodiversité. Mais leur survie est précaire : « La majorité des libraires gagnent moins que le SMIC pour 60 heures par semaine. »

Sans librairies indépendantes, pas de diversité, pas de littérature vivante.

9. Festivals et baisses de budgets : la tempête à venir

Les festivals littéraires, grands rendez-vous entre auteurs et lecteurs, dépendent massivement de l’argent public. Avec l’explosion des coûts, certains disparaissent déjà (exemple : Bron). Moins de subventions = moins d’auteurs invités, et plus de place pour les têtes d’affiche au détriment des émergents.

10. Conseils aux jeunes auteurs

  • Écrire d’abord pour soi. « L’écriture reste une activité artisanale, matérielle, précieuse, même sans éditeur. »
  • Se faire relire. Amis, lecteurs exigeants, puis professionnels. Arriver chez un éditeur avec un texte solide.
  • Choisir ses maisons. Repérer les catalogues proches de son style. Éviter l’édition à compte d’auteur.
  • Ne pas lâcher la rampe trop tôt. La précarité guette ceux qui se lancent sans filet.

Conclusion : vivre en écrivain, pas seulement de livres

Être écrivain en 2025, ce n’est pas rêver d’une rente éternelle sur un best-seller. C’est accepter une économie fragile, multiple, parfois absurde. Mais c’est aussi intégrer un écosystème vivant, où les Agences Régionales du Livre, les librairies indépendantes et les festivals soutiennent les auteurs.

Le combat est clair : refuser la précarité comme fatalité, défendre la bibliodiversité, transmettre les gestes narratifs comme un artisanat.

Gagner sa vie en tant qu’écrivain ? Oui, mais en travaillant large, en pensant collectif, et en affirmant que la littérature n’est pas une église vide : c’est un atelier où l’on forge des voix.


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