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La réécriture d’un roman – Quais du polar


Que réécrit un écrivain ? Comment réécrit-il ? Et surtout : que réécrit-il ? En quoi la réécriture de roman est-elle une nécessité ? 7 auteurs de polars, romans noirs et thrillers psychologiques témoignent de leur pratique de la réécriture.


Plus on prépare et moins on réécrit

Le mythe romantique de l’auteur voudrait que l’écrivain de génie écrive d’une traite son livre, porté par les muses. Le manuscrit sera évidemment pur de toute rature, hésitation, ou repentir. La réalité est plus… artisanale. Tous les romanciers que nous avons interviewés depuis la création des Artisans de la Fiction ont répété la même chose : l’écriture, c’est de la réécriture. Mais qu’entendent-ils par là ? Le romancier noir islandais Árni Þórarinsson a toujours beaucoup réécrit. Il nous parle du passage de la machine à écrire au traitement de texte.

Árni Þórarinsson : C’est difficile à dire. Avec l’ordinateur on peut changer des éléments à l’infini. Quand j’ai commencé comme journaliste j’ai travaillé pendant plusieurs années sur des machines à écrire. C’est une excellente discipline : vous devez avoir une idée très claire de ce que vous écrivez avant même de vous mettre à écrire. 

« Je réécris beaucoup »

La romancière canadienne, auteur de thrillers psychologiques Shari Lapena écrit sans préparer de plan, la réécriture est un élément central de son travail d’écrivain.

Shari Lapena : Je réécris beaucoup. Quand j’écris mon premier jet je ne planifie pas donc je dois réécrire afin que tout fonctionne. Mon premier jet est très expérimental et donc une fois qu’il est écrit je commence à connaître l’histoire que les personnages vivent et je me mets à réécrire, à resserrer et à faire une meilleure histoire.

Ceux qui réécrivent en cours d’écriture et ceux qui le font après le premier jet

À l’inverse, la romancière écossaise Val McDermid planifie énormément ses romans avant de se lancer dans l’écriture, afin de gagner en efficacité : et surtout elle rétrécit au fur et à mesure.

Val McDermid :  Je réécris peu. Je corrige chaque jour. Quotidiennement, je relis et je corrige ce que j’ai écrit le jour précédent. Et au bout de quelques semaines, je mets bout à bout ce que j’ai écrit, soit 30 à 40 pages et je les relis, afin de voir si l’équilibre est correct, si les différents points de vue alternent suffisamment pour que l’histoire soit fluide. Je fais cela régulièrement. Et quand j’arrive à la fin, je fais une relecture succincte et j’envoie le manuscrit à mes éditeurs et à mon agent. Et ils m’envoient des notes, et nous discutons de ce qui ne va pas. Puis j’effectue une réécriture et c’est bon.

Les auteurs de best-sellers, comme A.J. Finn, auteur de “La femme à la fenêtre” recherchent la même efficacité, afin de limiter le temps de réécriture ;

A.J. FInn : Non, je n’ai pas procédé à beaucoup de réécritures, à la fin je ne disposais plus du temps nécessaire, et puis j’avais déjà un autre projet de livre.

« Je préfère d’abord écrire l’histoire entière »

La romancière australienne Jane Harper écrit un premier jet complet, avant de passer à la réécriture de l’ensemble : 

Jane Harper : Je préfère d’abord écrire l’histoire entière, du début à la fin, plutôt que de réécrire au fur et à mesure. J’attends donc d’avoir terminé mon premier jet pour m’attaquer au deuxième. Cela m’évite de rester coincée, de ne jamais arriver à la fin. Chaque fois que je réécris, je repars du début, en essayant de m’améliorer à chaque fois. A chaque jet j’ajoute des éléments et j’en retire d’autres.

Le romancier français Marin Ledun travaille d’une manière différente : il modifie son texte en cours d’écriture, puis réécrit son premier jet.

Marin Ledun : Le premier jet c’est déjà plein de chapitres, pleins de scènes, qui sont retravaillés, une fois, deux fois, dix fois, vingt fois, si nécessaire. Et ensuite je reprends tout et je peux être amené à tout rechanger. C’est-à-dire que le plan de départ n’est pas forcément le bon à la fin.
Donc le premier jet (qui n’est pas tout à fait un premier jet), peut quand même complètement être changé. Et après, il y a le boulot avec l’éditeur. Donc ça fait beaucoup, beaucoup, de versions.

« Je voulais que ce soit au cordeau »

Les points les plus fréquemment modifiés pendant la réécriture sont la clarté, la cohérence, la longueur et la densité. Traditionnellement c’est le rôle de l’éditeur. Dans les pays anglo-saxons c’est souvent celui de l’agent de l’écrivain. 

La romancière française Marion Brunet a apprit à retravailler ses textes en tant qu’auteur jeunesse.

Marion Brunet : Je réécris pas mal.
Mon éditeur en « jeunesse » travaillait beaucoup sur le texte avec les auteurs et j’ai pris une sorte d’habitude, un réflexe de feignasse. Par exemple, j’écris un passage en ayant conscience que ce n’est pas top mais bon, l’éditeur va regarder alors… Une habitude de feignant.
Et pour L’été circulaire, j’allais bosser avec quelqu’un avec qui je n’avais pas l’habitude de travailler, donc il fallait que ce soit au cordeau. J’ai donc travaillé chaque chapitre de façon beaucoup plus approfondie, à la fois sèche et approfondie. Je voulais vraiment que ce soit nickel.

L’apprenti écrivain confond souvent le travail de réécriture avec le travail de peaufinage des phrases. L’affinage, le travail sur la beauté et la justesse de la langue ne se fait qu’en dernière instance.

« Je sais que j’ai des tics d’écriture »

L’auteur français Ian Manook scrute attentivement ses tics d’écriture :

Ian Manook : Je réécris très peu.  Le 1er jet est bon à 90 %. Après je réécris pour travailler des choses très claires, des tics d’écriture. Je sais que j’ai des tics d’écriture. Dans un premier jet, je construis toujours mes phrases de façon compliquée. La façon la plus fluide de faire une phrase en français, c’est : sujet/verbe/complément du lieu direct, les autres compléments derrière. Moi, j’ai toujours tendance à mettre les compléments (que l’on appelait circonstanciels à mon époque) de les remettre en avant. À la lecture, je corrige.

Les romanciers le disent tous : l’écriture, c’est de la réécriture. La réécriture ne touche pas uniquement à la justesse de la langue, elle a un impact sur la construction des scènes, des personnages. La réécriture d’un roman c’est la transformation d’une matière plus ou moins brute en un livre destiné à accueillir un lecteur.

Vous aimeriez vous entraîner à la réécriture ? Notre stage Écrire un roman – Les outils de la narration littéraire vous propose d’écrire et de réécrire 12 fois la même scène durant 5 jours !

Si vous souhaitez en savoir plus sur la réécriture d’un roman, le dramaturge et romancier , Yves Ravey nous raconte le processus d’écriture et de réécriture d’un  roman 

Toujours dans le cadre de Quais du Polar, l’écrivain américain Dathan Auerbach parle de l’importance de retravailler le texte de son roman.

Lire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardótti, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook, Val Mc Dermid et Marin Ledun

Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews.
Cette année Quais du Polar propose une édition virtuelle.

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